Fitch, une succursale du Makhzen ?
Par Ramdane Yacine – L’agence de notation Fitch a laissé libre court à son scepticisme quant au devenir des relations algéro-marocaines. Sa filiale BMI Research dit ne pas s’attendre à un grand changement dans les relations entre le Maroc et l’Algérie après le retour du royaume à l’UA. «Toute amélioration se limitera au partage et à la coopération sur le renseignement sur les extrémistes islamistes», estime la filiale de Fitch. Et même dans ce domaine, le DG du Bureau central des investigations judiciaires (BCIJ), Abdelhak El-Khiame, a souvent déploré le manque de coopération avec le pays voisin.
Sur le plan économique, Fitch relève que la réouverture des frontières, l’augmentation du commerce ou une résolution sur le «Sahara marocain» «semblent encore hors de portée». Jusqu’à présent, les relations commerciales restent très faibles entre les deux pays dans une région où l’intégration est encore à la traîne. Le Maroc représente seulement 1,9% des exportations totales de l’Algérie, tandis que l’Algérie ne reçoit que 0,9% des exportations marocaines. «En dehors du pétrole et du gaz, où le pays bénéficie déjà d’une clientèle diversifiée, l’Algérie a peu de produits qui pourraient être exportés vers le Maroc», note ainsi Fitch.
Il est pour le moins étonnant de voir qu’une agence de notation s’intéresse à un fait – le retour du Maroc au sein de l’UA – qui ne relève pas nécessairement de ses compétences en tant qu’agence spécialisée en économie. De plus, le fait de citer les propos d’un responsable marocain du renseignement et de faire l’impasse sur la partie algérienne en la matière relève au mieux de l’amateurisme, au pire d’un parti pris flagrant en faveur du royaume.
Ce qui laisse penser que cette note comparative intervient à un moment précis : celui où Rabat reprend ses hostilités à l’égard de l’Algérie, en l’accusant, notamment, de lui renvoyer les réfugiés syriens et d’un début chaotique d’Antonio Guterres, le nouveau secrétaire général des Nations unies, qui a décidé de ménager le Maroc, en nuançant sur deux points le rapport annuel qui lui avait été soumis sur le Sahara Occidental.
Le rapport de Fitch est d’une malveillance criarde dès lors qu’il suggère au lecteur lambda que si ça ne tourne pas rond entre les deux pays, c’est la faute à l’Algérie. Il verse dans une logique de cécité affligeante pour une agence de ce rang qui n’est pas censée ignorer que l’Algérie a toujours été favorable à un dialogue avec son voisin marocain sur toutes les questions en suspens, et que c’est le voisin de l’Ouest qui fait dans la reculade dès lors qu’il est question de discuter ouvertement du trafic de drogue, de la contrebande et du terrorisme. Des dossiers sur lesquels le Maroc tergiverse car son régime monarchiste s’en nourrit.
R. Y.
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