La fin de la droite et de la gauche : comment Sarkozy et Hollande ont tué la Ve République
Depuis De Gaulle jusqu’à Chirac, en passant par François Hollande et Valérie Giscard d’Estaing, jamais la France, sixième puissance mondiale, n’a connu un tel chambardement de sa politique intérieure. Hormis la confirmation de la montée inexorable de l’extrême droite, incarnée par Marine Le Pen et son parti, le Front national, le déclin définitif de la gauche et de la droite classiques est désormais consommé. Le candidat des Républicains, François Fillon, n’aura pas réussi à remonter la pente, ramant à contre-courant depuis sa victoire à la primaire de la droite et la divulgation par Le Canard Enchaîné de malversations qu’il aurait commises durant de longues années. Face à lui, bien moins fortuné, Benoît Hamon, qui avait promis de répartir les richesses de la France sur tous sans qu’aucun effort soit fourni, promesse électoraliste populiste tellement utopique que personne n’y a cru, est allé rejoindre la cohorte de candidats outsiders, boudés par la médiacratie et qui faisaient office de lièvres dans cette course inédite à l’Elysée.
C’est donc entre la candidate de l’extrême droite et le jeune loup de la politique adoubé par le CAC 40 que se jouera le second tour de l’élection présidentielle française. Laminé, le Parti socialiste a été définitivement enterré par le locataire actuel de l’Elysée qui, à force de promettre, a fini par décevoir toutes les franges de la société française et, plus grave, a achevé d’entraîner son pays dans des guerres hors frontières qui ne concernent en rien la France. François Hollande a ainsi emboîté le pas à son prédécesseur Nicolas Sarkozy qui a inauguré une politique interventionniste imposée par Washington. L’un et l’autre Présidents ont concouru à faire perdre à la France une indépendance que le général De Gaulle avait tant fait pour l’acquérir.
La victoire d’Emmanuel Macron aura, néanmoins, l’avantage de donner naissance à une certaine nouvelle gauche, si tant est que l’entrée en lice des deux candidats «indisciplinés» du PS n’est pas une tactique mise en branle par François Hollande pour assurer aux socialistes une pérennité au pouvoir et damer ainsi le pion à la droite bien trop divisée pour pouvoir recoller les morceaux. En décidant de ne pas se présenter à sa propre succession, le président socialiste en exercice savait que son bilan jouait en sa défaveur et que les Français n’allaient pas lui renouveler leur confiance. Il a donc «délégué» deux ministres frondeurs pour tenter de sauver les meubles sous des couleurs différentes, Hamon se présentant au nom du PS et Macron sous l’étendard d’un nouveau mouvement qui incarnerait une sorte de nouveau socialisme «en marche».
Il est fort à parier que ni le Parti socialiste ni les Républicains ne se maintiendront dans leur posture actuelle, héritée de longues années d’une tradition démocratique qui – les Français s’en rendent de plus en plus compte – ne s’est, en réalité, jamais débarrassée des atavismes du régime monarchique dont elle a hérité des pratiques aristocratiques au sommet de l’Etat, d’où les scandales qui éclaboussent toute la classe politique française et qui, en réalité, en sont le pendant. C’est ce que plusieurs candidats ont osé appeler pour la première fois par son nom ; le système qu’Emmanuel Macron promet de réformer en profondeur, voire d’abolir.
Le second tour ne s’annonce pas serré entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Le candidat d’En marche ! en sortira largement vainqueur, grâce aux voix des poursuivants directs de la présidente du Front national, auxquelles s’ajouteront évidemment les quelque 6% glanés cahin-caha par Benoît Hamon qui prêtera allégeance au nouveau chef de file de la gauche, laquelle gauche penchera un peu plus vers le centre et laissera le terrain libre devant Jean-Luc Mélenchon dont le mouvement des «Insoumis» s’imposera comme le successeur du PS historique en termes d’assise populaire. Dans tous les cas de figure, la gauche sort gagnante de cette élection présidentielle qui ne ressemble à aucune autre dans les annales de la vie politique française.
M. Aït Amara
Comment (25)