Salmane opère des changements au sommet de la monarchie : signes de panique à Riyad
Devant la montée de la contestation et face à la crainte de subir le même sort que Hosni Moubarak, le roi Salmane d’Arabie Saoudite s’est empressé samedi de procéder à un large remaniement de son cabinet royal. Les ministères de la Fonction publique, de l’Information et des Communications ont changé de main. De nombreux hauts fonctionnaires et des gouverneurs régionaux ont également été envoyés à la retraite.
Pour tenter d’absorber le mécontentement de la population, qui se montre de plus en plus critique concernant le manque de libertés, les violations systématiques des droits de l’Homme, la spoliation par la famille régnante des ressources du royaume et la politique d’austérité mise en place après l’effondrement des prix du pétrole, le souverain saoudien a décidé, en outre, de dégeler les salaires des fonctionnaires. Il a justifié sa décision par son vœu «d’apporter du réconfort aux citoyens saoudiens». En dépit des difficultés financières de l’Arabie Saoudite, les personnels engagés dans l’opération au Yémen recevront aussi un bonus équivalant à deux mois de solde.
Au-delà de chercher à couper l’herbe sous le pied des leaders du Mouvement du 21 février, dont l’appel vendredi à la grève générale a fait trembler les fondements du royaume wahhabite, Salmane a saisi l’occasion de ce remaniement pour consolider un peu plus prééminence du clan des Soudayris dans le dispositif politique de Riyad. Il a nommé un de ses fils ambassadeur aux Etats-Unis. Le prince Khaled Ben Salmane Ben Abdelaziz, pilote de l’armée de l’air, remplace le prince Abdallah ben Faisal ben Turki. Le chef de l’armée de terre, le lieutenant-général Eid Al-Shalwi, a été remplacé par Fahad Ben Turki. Cette annonce a été faite quelques jours après une visite du Secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, à Riyad. Beaucoup d’observateurs voient aussi un rapport de cause à effet entre ces derniers remaniements et la visite du patron du nouveau Pentagone.
Washington et Riyad sont des alliés stratégiques depuis plus de sept décennies, mais leurs relations s’étaient refroidies sous l’Administration Obama, qui avait refusé d’intervenir militairement contre le régime syrien de Bachar Al-Assad et avait amorcé un début de rapprochement avec l’Iran chiite, grand rival régional de l’Arabie sunnite. Le courant semble donc passer mieux avec la nouvelle Administration de Donald Trump, qui a multiplié les déclarations de mise en garde contre l’Iran, l’ennemi juré de Riyad.
Il est à rappeler qu’à la faveur de la guerre au Yémen, le roi Salmane avait déjà procédé à plusieurs nominations qui accroissent la centralisation du pouvoir dans le royaume. Omniprésents dans les médias depuis le début de la campagne contre le Yémen, les deux ministres les plus puissants du pays, Mohamed Ben Nayef à l’Intérieur et Mohamed Ben Salman à la Défense, ont grimpé une marche supplémentaire dans l’Exécutif saoudien.
Le premier, âgé de 55 ans, qui avait été nommé vice-prince héritier lors du couronnement de Salmane, à la fin du mois de janvier, est promu prince héritier, en remplacement du prince Muqrin, le plus jeune des fils encore en vie d’Abdelaziz, le roi fondateur. Le second, âgé d’environ 30 ans (sa date de naissance fluctue selon les sources), qui est le fils préféré du roi, récupère la charge occupée par Mohamed Ben Nayef et devient ainsi second dans l’ordre de succession, tout en conservant son portefeuille de ministre. Salmane avait également remplacé Saoud Al-Fayçal, à la tête de la diplomatie saoudienne depuis quarante ans, par l’ambassadeur du royaume aux Etats-Unis, Adel Al-Jubeir, très en vue lui aussi depuis le début de l’intervention militaire au Yémen. Ce nouveau round de nominations royales confirme la régulière et semble-t-il inexorable avancée de Mohamed Ben Nayef vers le pouvoir suprême.
Khider Cherif
Comment (17)