Affaire Lafarge : le gouvernement français pris de court par la démission du PDG
L’affaire du financement du terrorisme en Syrie par le groupe franco-suisse LafargeHolcim a connu ce mardi de nouveaux rebondissements. Moins de 24 heures après la démission de son président, Eric Olsen, le ministre de l’Economie et des Finances français, Michel Sapin, a estimé dans une déclaration à la presse que les responsables du groupe devaient être «condamnés», jugeant ainsi insuffisante la décision du PDG dans un contexte politique marqué par une obsession sécuritaire, qui a d’ailleurs largement dominé la campagne électorale pour la présidentielle qui vient de s’achever. Même si cette question du financement, direct ou indirect, des groupes terroristes en Syrie ou dans les pays du Sahel demeure taboue dans les débats politiques français.
«Tout financement de cette nature doit être poursuivi et ses responsables, quels qu’ils soient, condamnés», a encore affirmé le ministre. «Ce n’est pas acceptable que l’on cherche à transiger avec un mouvement terroriste. En transigeant, on donne de l’argent ; et en donnant de l’argent, on finance», a-t-il ajouté. Le ministre estime que si son administration a saisi la justice, c’est bien parce que ce n’est pas supportable, «même si, localement, ce doit être compliqué pour ceux qui ont la responsabilité d’une cimenterie dans un monde aussi violent», a-t-il souligné.
L’enquête judiciaire ouverte en octobre après une plainte de Bercy a révélé des erreurs de jugement «significatives», contrevenant au code de conduite de l’entreprise. Selon les révélations du journal Le Monde publiées en juin dernier, Lafarge avait missionné un intermédiaire pour obtenir de l’organisation terroriste autoproclamée Daech des laissez-passer pour ses employés aux checkpoints. Une pratique qui aurait certainement continué sans obstacles si la presse n’avait pas percé le secret, et qui cache sans nul doute une longue histoire de compromission des entreprises françaises et occidentales, à différents niveaux, avec les organisations terroristes dans les zones de tensions, où la violence et le crime organisé attirent des investisseurs aventuriers, comme Lafarge, intéressés par la multiplication des gains rapides et échappant à tout contrôle fiscal ou de qualité.
Cette scabreuse affaire pose, par ailleurs, le problème du sort du géant du ciment franco-suisse dans des pays comme l’Algérie, où il a racheté plusieurs cimenteries, dont celle de Biskra. Il s’était engouffré dans le marché algérien, rappelons-le, suite au rachat en 2007 d’Orascom Ciment pour 9 milliards d’euros, sans donner de réelles garanties sur une réelle relance de la production de ce matériau essentiel pour le bâtiment.
R. Mahmoudi
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