Guerre ouverte entre Saïdani et Ould-Abbès : vers une nouvelle tempête au FLN ?
L’incursion de Saïdani dans la conduite de la bataille des législatives par son successeur Ould Abbès et la riposte cinglante de ce dernier, quoique enrobée de termes allusifs, mais que tout le monde a compris, sont de toute évidence l’annonce d’une tempête imminente qui risque d’annihiler tous les efforts faits par l’actuel secrétaire général du FLN dans la campagne électorale. Ould-Abbès veut mener son parti vers une majorité absolue. Ce n’est pas innocemment qu’il est maintes fois revenu dans ses discours sur la fonction de parti-Etat qu’a joué l’ex-parti unique dans le pays pendant longtemps. Une façon pour lui de rappeler aux électeurs et en particulier à la base qui gravite autour du FLN le rôle «utile» que ce parti peut remplir dans la logique clientéliste (traduite par «il mange et fait manger», en d’autres termes, il partage) qui a toujours caractérisé sa relation avec la population.
Or, Saïdani a dû constater que c’est le vivier traditionnel du FLN situé dans le pays profond qui manifeste les signes les plus inquiétants de démobilisation, facteur d’aggravation de l’ambiance générale, qui semble être à la désaffection, visible dans le comportement des citoyens face à la campagne électorale. L’indifférence des électeurs n’a pas été impactée par le battage médiatique et les interventions sous toutes les formes de personnalités du monde artistique et sportif, en tant que «leaders d’opinion», censés vaincre le scepticisme et les réticences des autres et les inciter à aller aux urnes le jour du vote. Habituellement, le rempart contre l’abstentionnisme est constitué par la base du FLN. C’est le travail de ses militants qui ont toujours réussi à solliciter et mobiliser les réserves de voix qui se trouvent dans la «majorité silencieuse» et qui sauvent les scrutins d’une abstention de masse, voire l’assurent, quand les meilleures conditions existent, de cette ruée vers les bureaux de vote que la télévision publique s’empresse de montrer dès les premières heures.
Saïdani comme tous les observateurs savent que la campagne électorale n’a pas réussi à déclencher le sursaut d’engouement recherché par le pouvoir qui les organise. La grande inconnue ne concerne pas le résultat, qui devrait consacrer le duo FLN-RND, mais le niveau de participation, dont on craint qu’il atteigne un bas historique. C’est le pressentiment de l’échec qui a certainement encouragé Saïdani à faire son incursion dans la campagne électorale du FLN. Cette hypothèse est plausible, même si Ould-Abbès parle de victoire que son prédécesseur cherche à s’approprier. Débarqué subtilement de la direction du FLN après en avoir lui-même évincé, de façon moins élégante, Belkhadem, Saïdani profite de cette conjoncture pour prendre sa revanche. C’est maintenant à Ould-Abbès de sentir venir la tempête, alors qu’il est déjà déstabilisé par les attaques qui portent sur sa prétendue condamnation à mort durant la guerre de libération et fragilisé surtout par les accusations de magouilles financières dans la confection des listes et la désignation des têtes de liste.
Ce n’est un secret pour personne que cette opération délicate – la confection des listes de candidats – a porté un coup sévère à la cohésion dans le parti. Des militants du FLN, particulièrement parmi les jeunes qui attendaient leur tour, ne cachent pas leur mécontentement à propos de «parachutés» imposés en tête et dans les premières places sur les listes, positions qui sont la garantie qu’ils gagneront un poste de député dans la prochaine APN. Saïdani se revendique comme le porte-parole et le chef de ces mécontents. Il joue une partie facile et pense être gagnant dans tous les cas : si le FLN échoue, il s’en lavera les mains en disant qu’il avait averti du danger et s’était impliqué pour le conjurer ; si le FLN remporte la majorité absolue, il pourra, au contraire, s’arroger le mérite du résultat en le présentant comme une conséquence de sa lettre aux militants. Dans l’immédiat, si la crédibilité et l’audience que conserve encore Saïdani dans le FLN sont discutables, ses capacités de nuisance prouvées dans ses sorties fracassantes quand il était secrétaire général paraissent intactes. Ould-Abbès en fait les frais.
Houari Achouri
Comment (59)