Presse étrangère et législatives : islamistes et frontières au menu
La presse internationale, surtout française, s’intéresse toujours aux élections législatives qui sont prévues demain, jeudi 4 mai 2017, en Algérie. Les reportages, analyses et commentaires qui sont publiés dans les différents sites de journaux mettent tous l’accent sur l’état d’esprit des électeurs algériens, «désabusés», selon la plupart des commentaires, à la veille de cette élection. La presse numérique italienne informe de la fermeture de la frontière entre l’Algérie et la Tunisie pour deux jours à l’occasion de ces élections.
Dans la presse française, la revue Politis consacre un article sur son site Internet à l’Algérie sous le titre interrogatif «Algérie : des élections pour rien ?» Selon la revue, les législatives du 4 mai devraient accorder une large majorité au parti du président Bouteflika, allusion au FLN. «Les Algériens ont l’habitude de ces élections qui ne servent pas à grand-chose, sinon à entretenir l’illusion de la démocratie. Les législatives du 4 mai n’échappent pas à cette règle funeste installée finalement depuis l’interruption du processus électoral de 1991», note la revue. Ce qui intéresse finalement ce média, c’est la dualité entre les deux principales formations politiques, le RCD et le FFS. «On suivra avec intérêt l’affrontement entre les ultra-laïcs du RCD et le Front des forces socialistes, fondé par le leader historique Hocine Aït-Ahmed, disparu en 2015», indiquePolitis.
Le Monde encense les islamistes algériens
Pour sa part, le quotidien français de centre-gauche Le Monde s’est intéressé aux formations islamistes sous le titre «Les islamistes se coalisent pour les législatives».
Le Monde s’est penché sur la stratégie des partis islamistes pour conquérir la citadelle de l’APN, dominée jusqu’à présent par le FLN et le RND. «Les islamistes espèrent tirer leur épingle du jeu dans un scrutin plombé par la situation économique et sociale, les absences répétées du président Bouteflika et le désintérêt des électeurs», écrit Le Monde.
Par ailleurs, dans un reportage consacré à la mouvance islamiste par le quotidien français avec le titre révélateur «Législatives en Algérie : les islamistes ? Eux, ils ne votent pas !», le média français a fait une plongée dans la campagne électorale pour les législatives du 4 mai et un zoom sur l’alliance entre le parti MSP de Abderrazak Mokri et le FC du transfuge du MSP, Abdelmadjid Menasra.
Le journal écrit que «laminés lors des législatives de 2012 où ils n’ont obtenu que 60 sièges, les partis islamistes participent à travers deux coalitions rivales et un nouveau parti du Rassemblement de l’espoir de l’Algérie (TAJ).» «Pour le pouvoir, qui voit dans ce scrutin une façon de se légitimer mais aussi de préparer le paysage politique de l’après-Bouteflika, le premier enjeu sera celui de la participation. En 2012, celui-ci s’était élevé à 43%, selon le chiffre officiel, contesté», conclut le reportage.
Sous le titre de «Législatives en Algérie : les citoyens désabusés», Le Journal du Dimanche (JDD) écrit dans son reportage : «Les élections législatives algériennes de jeudi testeront la capacité des autorités à mobiliser une société lasse de l’immobilisme.» L’hebdomadaire français étonne par son anticipation : «L’addition est à somme nulle : 12 591 candidats, 63 partis en lice, 23 millions d’inscrits, 462 postes de député à renouveler et un impact sur l’avenir du pays proche de 0.» Il cite les propos de Louisa Dris-Aït Hamadouche, enseignante à la Faculté des sciences politiques et des relations internationales d’Alger, pour qui «le principal enjeu sera le taux de participation : il doit être acceptable pour crédibiliser le scrutin».
Le JDD relève un manque de panache chez l’opposition qui n’a pas saisi pleinement cette chance pour le changement. «Le système continue pourtant de fonctionner de la même manière, et la nature du régime politique n’a pas évolué», explique au JDD Kader Abderrahim de l’Iris (Institut des relations internationales et stratégiques). Et à Louisa Dris-Aït Hamadouche de renchérir sur les mêmes colonnes : «Certains mouvements étaient à la tête du boycott de 2014 et participent au scrutin en 2017, et vice-versa. Ces virages à 180° sont très peu compréhensibles par l’opinion publique.» Et de noter que «privée de leaders charismatiques, cette même opposition, bien que regroupée depuis juin 2014 au sein de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CLTD), n’a pas non plus enclenché une dynamique capable de modifier le rapport de forces avec le pouvoir».
Libération s’intéresse aux libertés
Chez son rival Libération, même son de cloche. «Déception, contestation et répression prédominent en Algérie : des témoignages en direct d’Alger accordent trop peu de crédit à des législatives à l’évidence suspectes», tel est le titre générique d’un long reportage dont se fend le quotidien de gauche sociale-démocrate.
Le média français décrit une opinion algérienne qui «ne croit plus trop au suffrage universel». Il prédit même que «les législatives du 4 mai risquent de se transformer en un vrai fiasco.
Le journal reprend de larges extraits d’un communiqué de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) qui «a mis à l’index les emprisonnements et les intimidations qui touchent les activistes sur les réseaux sociaux, les atteintes répétées aux droits de manifestation et de rassemblement, la répression dont sont victimes les étudiants en pharmacie, les travailleurs de Sonelgaz et les syndicats autonomes», ainsi que les dernières conférences interdites de Younès Adli à Aokas (Béjaïa) et de celles de Kamel Daoud et de Karim Akouche à Bouzeguène (Tizi Ouzou).
Réouverture de la ligne ferroviaire Annaba-Tunis : Kapitalis explique le report
Chez nos voisins tunisiens, au moins deux titres s’intéressent aux législatives algériennes. Tout d’abord, le média en ligne Kapitalis informe que le report de la réouverture de la ligne ferroviaire Annaba-Tunis, prévu pour lundi dernier, fait partie d’un train de mesures que les autorités algériennes ont décidé de prendre pour parer à toute éventualité durant le scrutin pour les législatives du 4 mai.
Kapitalis ajoute que les autorités algériennes ont décidé de fermer les frontières terrestres avec le voisin tunisien durant deux jours en prévision des législatives. Le média tunisien explique que cette décision a été prise pour «parer à d’éventuels attentats terroristes qui pourraient perturber le cours des élections».La frontière sera donc fermée à partir de la soirée du mercredi 3 mai 2017 jusqu’au vendredi 5 mai, selon la même source, en ajoutant que les autorités algériennes ont informé officiellement leurs homologues tunisiennes de cette décision.
Emboitant le pas à son confrère Kapitalis, le site en ligne Tunisie Numérique a, lui aussi, annoncé que l’Algérie boucle ses frontières pendant deux jours. Tunisie Numérique indique que «l’Algérie rapporte avoir reçu des renseignements de projets d’attentats terroristes programmés par les terroristes islamistes pendant les élections algériennes» pour justifier cette mesure.
Ramdane Yacine
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