Presse, un combat inachevé
Par Sadek Sahraoui – A l’instar de leurs consœurs et confrères du monde entier, les journalistes algériens célèbrent aujourd’hui la Journée internationale de la liberté de la presse. Comme les journalistes ne parlent pas beaucoup d’eux-mêmes, c’est là l’opportunité idéale pour voir ce qui a marché ou pas dans la presse algérienne. Inutile de revenir ici sur la crise que vivent les médias en raison de la baisse de leurs revenus publicitaires. Ce n’est pas que le sujet est inintéressant. Au contraire. Le débat est vital par ces temps de crise. Sans journaux, point de journalistes. C’est aussi simple que cela. Nous n’en parlerons pas pour la simple et bonne raison que les journaux s’en chargeront très certainement.
En revanche, il semble plus utile de revenir ici sur la situation des journalistes algériens, un sujet dont plus personne ne parle. Même les journaux les plus connus pour défendre la liberté de la presse zappent systématiquement le dossier. Pour certains, il n’est bon d’ailleurs de parler des journalistes que quand ils ont passé l’arme à gauche ou lorsqu’il s’agit de rappeler la résistance de la presse contre l’intégrisme et le terrorisme. Selon l’idée reçue aujourd’hui, un bon journaliste, c’est celui qui a affronté l’hydre intégriste, qui se fait bastonner par la police et qui est, si possible, six pieds sous terre. Autrement, pour eux, il n’est pas intéressant d’évoquer le sujet.
Il ne faudra donc pas s’attendre à ce que ce 3 mai 2017, les médias (à l’exception probablement des médias publics) parlent des droits bafoués des journalistes, de leurs misérables salaires et de leurs abominables conditions de travail. Aucun titre ne dénoncera également les atteintes aux libertés syndicales que rencontrent de nombreuses rédactions. Des journalistes se voient même interdire par leurs employeurs de créer des sections syndicales. Tout ce spectacle désolant a lieu sous le regard amusé et parfois complaisant des pouvoirs publics.
Certains canards prendront aussi un soin méthodique à évacuer le débat, essentiel pourtant, sur l’éthique, la déontologie, la formation et la qualité des infos servies au public. Comme c’est le cas depuis un bout de temps, ça ne parlera évidemment que de «fric». Un argent dont les journalistes n’ont pas vu la couleur, y compris d’ailleurs au moment où les entreprises de presse étaient des plus florissantes. Puisque personne ne le dira, alors autant avouer tout et tout de suite : le droit à l’information de l’opinion est compromis, car il y a un maillon faible dans la chaîne. Ce maillon faible, ce sont les journalistes. Ils sont dépouillés de leurs droits les plus élémentaires et réduits à de simples claviers d’ordinateurs corvéables à souhait. Le drame dans tout cela est que les journalistes eux-mêmes semblent s’être résolus à vivre dans la résignation. Triste bilan. La presse algérienne aurait certainement mérité bien mieux.
S. S.
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