Relations algéro-françaises après l’élection de Macron : vers l’apaisement ?
Les Algériens connaissent d’Emmanuel Macron surtout sa position courageuse de dénonciation du colonialisme français qu’il a qualifié de crime contre l’humanité. Il a maintenu cette position lors de sa confrontation avec sa rivale dans la course à l’Elysée, mercredi soir, rappelant à la dirigeante du Front national que des horreurs ont bel et bien été commises durant cette période de l’histoire de France. Les Algériens ont également retenu, à son propos, la petite phrase de Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères, qui a déclaré qu’Emmanuel Macron était «l’ami de l’Algérie et c’est la réalité». A priori, donc, les Algériens se réjouissent de cette victoire électorale de Macron, d’autant plus qu’il l’a remportée face à Marine Le Pen qui continue de représenter à nos yeux le pire dans la classe politique française. Doit-on en conclure qu’avec Macron à l’Elysée, tout baignera dans l’huile pour les relations algéro-françaises ? Il dit vouloir construire un «avenir apaisé» avec les partenaires du Sud et il classe l’Algérie parmi les «partenaires essentiels».
Le pronostic qui domine chez les analystes et observateurs concernant la politique que suivra Macron repose sur l’hypothèse forte qu’elle sera dans la continuité de ce qu’a fait Hollande durant son mandat présidentiel, s’il réussit toutefois à bâtir une majorité parlementaire après les élections législatives du 18 juin prochain. En politique étrangère, Emmanuel Macron a confirmé cette impression qu’il fera du «Hollande sans Hollande», notamment quand il a clairement laissé entendre qu’il ne dérogerait pas à la politique étrangère actuelle de la France. «Je ferai la guerre à la Syrie et à l’Irak», a-t-il lancé au cours du débat avec Marine Le Pen. Il y a déjà ici matière à divergence entre l’Algérie et le président français qui vient d’être élu. Ce n’est pas la seule ni la plus importante. Il faut s’attendre, en effet, à ce que Macron poursuive la démarche du gouvernement français concernant la question du Sahara Occidental, c’est-à-dire dans le refus de reconnaître le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination en vue de l’indépendance de son pays.
Emmanuel Macron est venu en Algérie en tant que candidat à l’élection présidentielle, il ira au Maroc en tant que président de la France. Selon ce qu’il a annoncé lui-même à Jeune Afrique, le Maroc sera sa première visite à l’étranger. Il n’y a aucun signe de rupture chez Macron pour ce qui est de la politique française au Maghreb. La France «a des relations fortes avec l’Algérie, avec le Maroc, mais aussi avec la Tunisie, qui sont basées sur des relations humaines et des intérêts communs majeurs», a-t-il déclaré. Il compte faire des trois pays du Maghreb des «partenaires essentiels» dans le cadre d’une initiative en direction de la Méditerranée et de l’Afrique qu’il va lancer dès le début de son mandat, a-t-il fait savoir.
Les choses ont l’air d’être plus claires dans le chapitre économique des relations algéro-françaises sous la présidence Macron. On se rappelle qu’au cours de sa visite, les 13 et 14 février, dans notre pays, en tant que fondateur du mouvement En marche !, il a rencontré, dès son arrivée à Alger, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, la ministre de l’Education nationale, Nouria Benghebrit. Mais ce qui a retenu également l’attention, c’est qu’il a été reçu durant plus de deux heures par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb. Le lendemain, il a déjeuné avec le président du Forum des chefs d’entreprises (FCE), Ali Haddad. Cela signifie que les affaires économiques et commerciales ont eu une place importante dans sa visite.
On sait que, sur le marché algérien, la France fait maintenant face à une concurrence très forte de la part de la Chine, mais aussi d’autres pays européens. On peut penser qu’un des objectifs prioritaires de Macron à l’égard de l’Algérie sera de remettre la France en première position dans les échanges économiques et extérieurs de notre pays. Acceptera-t-il d’en payer le prix, c’est-à-dire ne jamais perdre de vue que l’Algérie est indépendante depuis 1962 ? Sa façon de voir le passé colonial de la France laisse croire qu’il est prêt à le faire.
Houari Achouri
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