Bekkat-Berkani : «La désespérance fait fuir nos médecins à l’étranger»
La fuite des médecins algériens à l’étranger est, entre autres, causée par la désespérance ambiante. Pour le président du Conseil de l’Ordre des médecins, Mohamed Bekkat-Berkani, il n’y a pas que la France qui accueille nos médecins. Les pays du Golfe aussi car ils connaissent également un déficit en médecins. Pourquoi quittent-ils l’Algérie ?
Bekkat-Berkani estime que les médecins partent à la recherche de ce qu’on ne leur offre pas ici. Et ce n’est pas seulement un simple problème de salaire. S’exprimant aujourd’hui sur les ondes de la Chaîne III de la Radio algérienne, le président de l’Ordre des médecins affirme que l’hémorragie que connaît le secteur de la santé est à analyser attentivement, en associant et en écoutant les concernés. Car, si actuellement quelque 13 500 médecins algériens ont quitté leur pays pour aller pratiquer leur spécialité en France, la fuite risque d’être encore plus importante dans les prochaines années si les conditions générales dans lesquelles ils vivent et travaillent restent inchangées.
«Cette hémorragie de praticiens et de chercheurs vers d’autres pays, à l’exemple du Canada ou des Emirats arabes unis a, entre 1996 et 2006, coûté à l’Algérie environ 40 milliards de dollars», estime le président de l’Ordre des médecins qui qualifie cela de véritable drame national. La formation d’un médecin généraliste coûte à l’Etat algérien une moyenne de 20 000 euros. Pour Dr Bekkat Berkani, si les médecins quittent l’Algérie pour s’installer en France ou au Canada et tout récemment aux Emirats arabes unis, c’est pour une multitude de raisons. Parmi elles, le cadre dans lequel ils exercent leur profession, les motivations salariales, le cadre de vie global et la formation continue.
Dr Bekkat-Berkani résume donc cette situation par l’existence d’une espèce de désespérance ambiante parmi les médecins qui sortent des facultés de médecine et qui les incite à aller sous d’autres cieux pour y pratiquer leur spécialité. Le président de l’Ordre des médecins soulève les problèmes liés à l’organisation du secteur de la santé et à son fonctionnement. Il évoque également la problématique de la formation dont ont bénéficié ces derniers. «Tant en médecine générale ou de spécialité, la formation n’est pas suffisamment adéquate pour des métiers tels qu’on les entend dans la modernité médicale.» On continue, relève-t-il, à former des cardiologues généralistes, des gynécologues généralistes, alors qu’aujourd’hui c’est la sur-spécialité qui prédomine.
Les textes de loi régissant la santé posent aussi problème. Ils contiennent des zones floues qui alimentent l’incertitude quant à l’avenir du personnel médical et de l’élite hospitalo-universitaire. Pour lui, il faut une refonte globale du secteur à travers une vision et une stratégie qui prendraient en compte tous les paramètres.
Hani Abdi
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