Le changement n’aura pas lieu avant cent ans
Par Aziz Ghedia – Beaucoup d’Algériens, du moins ceux qui s’intéressent à la chose politique, ont dû certainement suivre l’élection présidentielle française. Car ce qui se passe en France nous intéresse ici, en Algérie, et n’est pas sans influence quant à notre façon de voir et de comprendre d’abord l’Europe, puis le monde occidental dans son ensemble. Plus encore, je n’ai pas à rougir de dire que, pour moi, c’était comme un devoir de suivre ces élections et les différents débats entre les candidats, que ce soit au premier ou au second tour de cette présidentielle qui a tenu, il faut bien le dire, les Français en haleine depuis plusieurs semaines. J’ai suivi ces débats pour pouvoir comparer les deux campagnes électorales : législatives ici, présidentielles là-bas.
Comparaison n’est pas raison, dit-on.
Alors d’emblée, empruntons à Arezki Metref du Soir d’Algérie le titre de sa chronique et inversons-le pour le rendre plus conforme à ce que nous voudrions dire ici : cela donnera «là-bas mieux qu’ici». En effet, autant la campagne présidentielle, en France, donc «là-bas» était palpitante et pleine de rebondissements politiques, autant celle des législatives chez nous, donc «ici», était morne, plate, sans saveur et sans «pudeur de gazelle», pour paraphraser Jean-Luc Mélenchon.
Telle est la réalité de notre pays et cela n’incite guère à l’optimisme.
Sans pudeur de gazelle dans la mesure où la pratique de la «chkara» semble s’être définitivement ancrée dans les mœurs politiques en Algérie. On a beau condamner cette pratique, on a beau dire que tel ou tel parti politique n’y a pas recours ou alors qu’exceptionnellement, mais les faits prouvent le contraire. Même le «grand», «l’historique», la «première force politique» du pays, le FLN, n’aurait pas échappé, lors de la confection de ses listes électorales, à cette pratique de corruption ô combien scandaleuse. Pour figurer sur une liste électorale, et encore plus pour être «tête de liste», il fallait montrer patte blanche ou, à défaut, la «chkara» noire, ce sac en plastique censé contenir des liasses de billets… verts de préférence. Peu importe le niveau intellectuel du candidat, le degré de son militantisme ou son ancienneté dans l’engagement politique au sein de son du parti. L’un de ces deux critères suffit amplement à faire de son détenteur un heureux gagnant, un heureux parlementaire au-dessus des lois de la République du fait de l’immunité parlementaire. N’est-ce pas que c’est ce qui fait courir autant de gens ?
Bref, toujours est-il qu’en France, les électeurs et les électrices ont fait tomber, au premier tour, les partis traditionnels, à savoir les socialistes et les républicains qui ont régné successivement plus de cinquante ans sur la Ve République pour ne retenir en fin de compte que le candidat Macron presque sorti du néant, une sorte de génération spontanée, alors qu’en Algérie, le FLN, qui ne jouit pourtant d’aucune crédibilité, qui a largement gaspillé son prestige et son aura d’antan, a l’intention, selon son secrétaire général, Djamel Ould-Abbès, de continuer à exercer une chape de plomb sur la vie politique du pays pour… cent ans encore.
Devrions-nous comprendre que la guerre de cent ans a commencé ?
A. G.
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