Des princesses d’Abu Dhabi jugées pour esclavage
L’opinion bruxelloise assiste depuis jeudi à un événement des plus rares. Le procès par contumace de huit princesses d’Abu Dhabi, poursuivies pour traite d’êtres humains, traitements dégradants envers leurs domestiques, confiscation de passeports, non-paiement de leurs salaires et infraction à la législation du travail, s’est ouvert dans la capitale belge. Les princesses poursuivies sont Sheikha Hamda Al-Nahyan et ses sept filles.
L’information, qui a fait le tour des rédactions des grands médias européens comme une traînée de poudre, indique que le procès intervient suite à une plainte d’un employé ayant travaillé pour la famille «royale» lorsque celle-ci avait séjourné en 2008 au luxueux Conrad Hotel de Bruxelles. Accompagnée de 20 domestiques, la famille de Sheikha Hamda Al-Nahyan, veuve du cheikh d’Abu Dhabi, avait alors loué un étage entier de l’établissement hôtelier.
La police locale avait également constaté que cette famille princière y exploitait des femmes de différentes nationalités qui séjournaient dans l’hôtel dans des conditions proches de l’esclavage. Une enquête avait montré qu’elles se trouvaient là sans permis de travail et sans permis de séjour, travaillaient jour et nuit pour un salaire de misère et n’avaient pas le droit de quitter l’étage.
Le calvaire a duré pendant des mois. Des dizaines de jeunes femmes de nationalités diverses (Philippines, Erythrée, etc.) arrivaient ainsi en Belgique pour travailler dans cette cour moyenâgeuse. On leur y prenait leur passeport à la signature de leur contrat. Leur salaire était pathétique, entre 100 et 200 euros par mois. Les jeunes femmes devaient travailler tous les jours, parfois plus de 20 heures. Elles dormaient à huit dans une chambre. Et toutes n’avaient pas de matelas. A noter que le Centre fédéral migration (Myria) est partie civile dans cette affaire qui a fortement ému l’opinion publique belge.
Ce qui s’est produit à Bruxelles n’est pas un phénomène isolé. Aux Emirats, les Indiens, les Pakistanais, les Bangladais et les Philippins, qui représentent 52,48% de la population totale, sont traités comme des individus de seconde zone. On dénombre aujourd’hui dans les six monarchies du Golfe plus de 20 millions de ces travailleurs étrangers, dont une majorité d’origine asiatique. Parmi les abus dont ils sont victimes, les ONG dénoncent notamment le non-paiement de salaires et la confiscation des passeports, mais aussi des actes de maltraitance physique et des cas de travail forcé.
Sadek Sahraoui
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