Il faut cesser les jérémiades communautaristes
Par Mesloub Khider – Régulièrement, au lendemain des attentats terroristes islamistes perpétrés en France, une psychose s’empare des immigrés musulmans. En effet, aussitôt se développe chez eux la peur d’un climat antimusulman. Pareillement, aux moments cruciaux des élections, où le Front national parvient à se hisser au second tour lors de la présidentielle, la même angoisse s’exprime de manière lancinante.
Et certains journaux ne manquent pas d’attiser et de propager ce climat de peur. Pour certains médias, la France nous préparerait une Saint Barthélémy ! Les pogroms guetteraient les immigrés musulmans, et particulièrement les Algériens.
Il faut savoir raison garder. D’aucuns réclament que le gouvernement algérien protège ses ressortissants établis en France. Ils oublient vite que ce pouvoir algérien est responsable de leur expatriation. En effet, qui a acculé des millions d’Algériens à s’exiler, sinon ce pouvoir dictatorial responsable du sous-développement de l’Algérie maintenue depuis l’indépendance dans une économie rentière fondée sur la manne pétrolière, manne accaparée par cette inamovible oligarchie ?
Par ailleurs, en dehors de ces moments de psychose provoqués par le terrorisme et la menace d’accession imminente de Le Pen à la plus haute magistrature, la tension est également avivée et entretenue par la propagation d’informations alarmantes sur le développement supposé de l’«islamophobie».
A propos de ce climat d’«islamophobie», qui régnerait en France et souvent agité par les organisations islamiques, rien de plus douteux. En effet, jamais la France n’a vu s’installer autant de musulmans sur son territoire, n’a vu s’ériger autant de mosquées sur son sol, n’a vu s’établir autant de quartiers aux locaux de commerce vendant librement des produits hallal et des ouvrages musulmans. On est loin de l’apartheid de certains pays et du racisme ordinaire et meurtrier des Etats-Unis.
Certes, un climat délétère, nauséabond se propage depuis quelques années en France. Mais, même les Français le subissent. Il ne concerne donc pas seulement les «musulmans» en général, et les Algériens en particulier. En effet, sous l’effet conjugué, d’une part, de la crise systémique du capitalisme décadent, avec comme corollaire l’accentuation du chômage, la dégradation des conditions de vie, la décrépitude des valeurs morales, et d’autre part, du développement des guerres sur l’ensemble de la planète, c’est toute la population française (pour ne pas dire mondiale) qui manifeste de plus en plus des attitudes hargneuses, haineuses, agressives, violentes à l’égard de tout un chacun.
Aujourd’hui, quotidiennement, chacun peut devenir la victime potentielle d’une personne psychologiquement déséquilibrée par une existence sociale déshumanisée. Nous sommes tous exposés aux agressions verbales, aux regards haineux, aux violences physiques. Aussi bien dans la rue qu’au travail. Le délitement du social favorise malheureusement la résurgence de comportements délétères, destructeurs. En période de crise du capitalisme, comme dans les années 1930 au siècle dernier, les pires miasmes remontent à la surface de la société pour finir par submerger et infecter toutes les relations sociales. La peur de l’autre se propage. La méfiance et la défiance se répandent. Le repli sur soi se généralise. Nous vivons l’ère de «l’altérophobie».
Alors, cessons la victimisation communautaire.
D’ailleurs, il n’existe pas de communauté musulmane. Comme il n’existe pas de communauté footballistique, nautique ou autre, sous prétexte que ses adeptes s’adonnent à la même pratique sportive, respectent les mêmes règles, expriment la même ferveur pour leur sport, s’adonnent quotidiennement aux mêmes exercices dans des édifices spécifiques, s’attachent scrupuleusement à adopter une hygiène et des rites alimentaires draconiens.
En effet, sur le plan juridique, est reconnue seulement l’entité nationale et l’appartenance sociale. L’appartenance religieuse relevant, elle, de la conscience personnelle, de la sphère privée.
Par ailleurs, qu’ont-ils de commun un bourgeois algérien résidant à Neuilly et un ouvrier ou rmiste algérien habitant dans une cité dortoir de Roubaix ? Rien, sinon la même origine «ethnique». Qu’ont-ils de commun un Saoudien, un Qatari et un Algérien immigré ou non ? Rien, sinon cette croyance en un même Dieu.
En vérité, sociologiquement, de par son statut social, sa catégorie professionnelle salariale (qui englobe 85% des travailleurs), l’immigré algérien (et autre nationalité) est plus proche de son frère de classe de souche française que de tout autre bourgeois musulman algérien, marocain ou tunisien. Leurs intérêts sont communs. Ils partagent le même mode de vie misérable fait d’exploitation, d’oppression, de domination, de chômage, d’aliénation, de relégation urbaine. En somme, ils appartiennent à la même classe ouvrière.
En vérité, le terme communauté a été inventé dans un seul dessein : diluer la notion de classe dans la race. Remplacer l’affrontement de classes par la guerre de races. Supplanter la conscience de classe par l’assignation à la race. Extirper toute identité de classe pour la noyer dans l’appartenance de race. Terme race qui peut être remplacé par religion. Ainsi, grâce à la propagande médiatique et à l’endoctrinement scolaire, l’individu ne se définit plus par son appartenance de classe, mais par sa race, sa religion, voire sa tribu (comme dans le cas du Kabyle). Mais la réalité sociale se charge toujours de rétablir la vérité. La crise économique réveillera les vieux réflexes de classe.
Alors, les jérémiades communautaires doivent cesser. Et laisser place, dans la lutte contre toutes les oppressions et injustices, à un combat qui engloberait tous les opprimés de France, sans distinction ethnique ou religieuse.
M. K.
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