Inquiétante Tunisie

Par Sadek Sahraoui – Six ans après la chute de l’autocrate Zine El-Abidine Ben Ali, la Tunisie n’arrive toujours pas à sortir de son marasme économique. La situation est aggravée par des mouvements sociaux à répétition. Dans les régions les plus pauvres, les grèves prennent même l’allure de désobéissance civile. Devant la crainte de voir la Tunisie se retrouver à nouveau paralysée, le président Béji Caïd Essebsi a décidé de faire appel à l’armée pour assurer l’ordre et, surtout, empêcher la fermeture par des syndicalistes ou des chômeurs des rares sites industriels encore en activité.

«Nous savons que c’est une décision grave, mais elle doit être prise. Le pays fait face à un danger majeur», a déclaré le chef de l’Etat tunisien dans un discours prononcé mercredi au Palais des congrès devant un parterre de personnalités. Il a expliqué que «l’Etat a le devoir de protéger ses ressources, les ressources du peuple tunisien». «La démocratie, sa condition essentielle, c’est l’Etat de droit», a-t-il insisté. Ainsi qu’il fallait s’y attendre, la décision a été critiquée avec véhémence par l’opposition qui y a vu une tentative de mise au pas de la société et de remettre en cause les acquis de la «Révolution du jasmin».

Il y a une autre initiative de Béji Caïd Essebsi qui a du mal à passer auprès de la population. Il s’agit de sa décision de promulguer une la loi sur la réconciliation économique et financière. Ce texte consiste globalement à blanchir les anciens capitaines d’industrie ayant prospéré sous le long règne de Zine El-Abidine Ben Ali. Si lui considère que cette loi est de nature à débloquer l’administration publique et à favoriser la reprise des investissements, moteur de croissance et de création d’emplois, la rue estime en revanche qu’elle consacre l’«impunité» et «légalise la malversation».

Malgré cette levée de bouclier, le président tunisien a promis qu’il ne fléchirait pas et qu’il appliquerait les lois de la république dans toute leur rigueur. Béji Caïd Essebsi a probablement raison de refuser de laisser son pays sombrer dans l’anarchie. Après tout, la démocratie ne signifie pas désordre.

Il devrait cependant éviter de trop tirer sur la corde car, en contrepartie des efforts qu’il demande à son peuple de consentir, il n’offre rien. Et à trop vouloir tirer sur la corde, il risque de provoquer l’irréparable. Il est certainement bien placé pour savoir qu’actuellement, la Tunisie renferme tous les ingrédients d’une explosion sociale.

S. S.

Commentaires

    Erracham
    14 mai 2017 - 16 h 26 min

    Un dictateur remplace un autre!
    Lorsqu’un chef d’État se réfugie derrière son armée ou ses forces de police, il se pare du costume du dictateur. Il n’ose pas affronter son peuple, discuter avec lui, faire le pédagogue, expliquer, communiquer et convaincre. Le seul fait de museler le peuple en le bastonnant est un aveu d’incompétence et d’impuissance. Si le peuple descend dans la rue, c’est parce que c’est son dernier recours. Au lieu de donner l’ordre à l’armée d’étouffer la contestation, il serait plus judicieux d’inviter les représentants du peuple à exposer leurs doléances. de les écouter et d’y apporter une solution. Le temps du « L’État, c’est moi » est révolue. Dictature et démocratie sont donc incompatibles. BCE , à l’instar de nombreux « auto-proclamés démocrates », devrait le comprendre.

Les commentaires sont fermés.