Trump touche l’argent du pétrole saoudien contre le maintien du régime wahhabite
Pour son premier déplacement à l’étranger, le président américain Donald Trump est arrivé samedi à Riyad pour une visite de deux jours. Au programme, la coopération avec l’Arabie Saoudite dans divers domaines, dont la lutte contre le terrorisme, et la participation au sommet arabo-islamo-américain qui réunit les dirigeants de plus de 50 pays musulmans et où seront passés en revue les dossiers régionaux importants. C’est l’occasion, encore une fois, pour les pays du Golfe de se prosterner devant leur maître de Washington. Pour sauver sa peau, la dynastie des Al-Saoud a d’ores et déjà versé, à l’avance, les dividendes du pétrole aux Américains. Ils appellent cela «contrats».
A l’issue de la rencontre entre le président américain et Salmane ben Abdelaziz Al-Saoud, les Etats-Unis pourraient vendre à Riyad des armements d’une valeur de 350 milliards de dollars dans les dix ans à venir. D’après Riyad, l’objectif de ces accords est d’assurer sa sécurité et celle de la région du Golfe «face aux menaces de l’Iran».
Vendredi, c’est-à-dire la veille de l’arrivée de Donald Trump, un missile balistique tiré par les houtistes en direction de Riyad a été intercepté et détruit à 200 km à l’ouest de la capitale saoudienne. Le Secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson n’a donc pas eu de mal à peaufiner le prétexte de la menace iranienne d’expansion au Yémen et en Syrie pour justifier les «objectifs sécuritaires communs» et les «accords stratégiques de défense» passés entre les deux pays pour les atteindre.
Mais pour la coalition entre ces pays du Golfe et les Etats-Unis, la partie ne sera pas facile : l’Iran a renforcé sa stabilité interne après la participation massive à l’élection présidentielle qui a reconduit Rohani. En Syrie, les groupes armés pro-Qatar et pro-Arabie Saoudite perdent du terrain. Damas et d’autres villes du pays passent l’une après l’autre sous le contrôle total du gouvernement syrien. Au Yémen, la coalition militaire dirigée par l’Arabie Saoudite, qui intervient régulièrement depuis mars 2015, n’est pas venue à bout des Houthis qui contrôlent les territoires dans le nord du pays et la capitale Sanaa, où ils ont créé leurs organes de pouvoir. Leur système de défense aérienne vient même d’abattre un avion saoudien F-15.
Autre ombre au tableau : acteur majeur dans cette alliance avec les Etats-Unis, le Qatar n’est pourtant pas bien vu par les pays occidentaux. L’émirat vient de se fendre d’un communiqué dans lequel il jure par tous les dieux qu’il ne soutient pas le terrorisme et que toutes les accusations qui le concernent dans ce sens ne sont que pures affabulations. Le Qatar est accusé de soutien au terrorisme à travers son financement des caisses du Front Al-Nosra, branche d’Al-Qaïda, et la promotion des organisations terroristes et de leurs activités par le réseau de télévision Al-Jazeera, qui appartient à cet émirat. Des Qataris ont été sanctionnés par le Trésor américain pour des activités de financement du terrorisme. Qatar est pourtant membre de la coalition internationale commandée par Washington qui combat Daech. Il faut noter que l’accusation contre Doha n’émane pas de l’ennemi iranien, mais de l’allié israélien qui en veut au Qatar d’abriter le Hamas palestinien et d’être même son parrain.
Enfin, difficulté supplémentaire pour l’Otan dans la région, la Turquie semble confirmer ses velléités d’«indépendance» à l’égard de l’Occident et montre des signes de rapprochement avec la Russie. Erdogan est hostile au soutien militaire accordé par Washington aux milices kurdes PYD et YPG en Syrie et en Irak, considérées comme les bras armés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ankara prépare contre eux de nouvelles opérations dans la région de Sinjar, qui s’étend de Mossoul à la Syrie, au sud de la frontière turque. Fait significatif : l’Allemagne pense déjà retirer ses troupes de la base aérienne turque d’Incirlik pour les placer en Jordanie.
Une question reste posée : Trump cherche-t-il sincèrement à rompre avec les méthodes de ses prédécesseurs qui ont conduit à une catastrophe aux dimensions mondiales avec l’extension des activités du terrorisme (ou assimilées au terrorisme) dans tous les coins de la planète ? Les mercenaires terroristes de Daech représentent «une menace stratégique s’ils reviennent à Kuala Lumpur, à Paris, à Detroit», a déclaré vendredi le Secrétaire à la Défense des Etats-Unis, le général James Mattis.
L’ONU a également mis en garde contre un prochain retour des mercenaires de Daech en Europe. La perte de contrôle des groupes terroristes après la défaite de Daech met les pays du Golfe en position de cible des prochaines actions des mercenaires «isolés» qui auront fui la Syrie et l’Irak. Un bon argument pour Trump pour pomper l’argent du pétrole vers son pays en contrepartie de la sécurité et un excellent prétexte aux familles régnantes des monarchies de la région pour continuer de sévir dans leurs pays avec le soutien américain.
Houari Achouri
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