Les marches sont stériles sans contre-pouvoir constitué
Par Youcef Benzatat – C’est mettre la charrue avant les bœufs que de faire des marches de contestation dans la situation politique actuelle.
La marche de dimanche qui s’est ébranlée de Boumerdès dans l’objectif d’atteindre Alger, malgré l’interdiction de toute marche dans la capitale, bien que cette interdiction soit elle-même illégale, est une véritable marche populaire de contestation politique. Si la motivation première annoncée était les conditions sociales des retraités militaires et des appelés ayant participé à la guerre contre le terrorisme, le fait que son objectif était de transgresser cet interdit, en fait d’elle une véritable marche politique. De plus, une marche d’une telle ampleur dans la conjoncture actuelle, caractérisée par une rupture profonde et un rejet irréversible du pouvoir par la population, ne peut laisser indifférente la masse du peuple qui se trouvait sur son passage, pour venir la grossir en la transformant d’une simple manifestation corporatiste à caractère social en une véritable marche populaire de contestation politique. La question de savoir qui en est l’organisateur est sans importance devant sa puissante symbolique.
Dans la conjoncture actuelle, le pouvoir sait qu’une marche sur Alger finira sans aucun doute en émeute et se propagera sur tout le territoire national. C’est d’ailleurs pour éviter ce danger que cette interdiction a été décrétée.
Le pouvoir affiche de plus en plus cyniquement sa confiscation des libertés politiques dans un environnement de corruption généralisée et d’immobilisme économique en mode de gouvernance, alors qu’en face, la précarité sociale se creuse chaque jour un peu plus dans un environnement institutionnel de plus en plus déliquescent. Dans ces conditions, celui-ci n’a d’autre choix que la fuite en avant. Interdiction et répression restent les seuls atouts qu’il puisse faire valoir pour préserver sa domination sur la société et continuer à jouir de la rente comme un bien privé.
Le pouvoir et son opposition structurelle sont allés tellement loin dans leur implication dans le détournement de la rente qu’il n’est plus envisageable pour eux de contribuer à une transition vers un Etat de droit, synonyme de justice indépendante et d’ouverture d’enquêtes tous azimuts sur les fortunes mal acquises. Pour ces raisons, toute tentative de manifestation qui viendrait les menacer sera brutalement et violemment réprimée. Renforçant ainsi l’Etat policier et accentuant la restriction des libertés publiques.
Seul un contre-pouvoir, issu d’une alliance des forces progressistes et démocratiques en rupture avec les processus institutionnels existants, boycotteurs, personnalités indépendantes, intellectuels, société civile et partis politiques marginalisés seront en mesure de gagner la confiance du peuple et de canaliser sa colère qui se dessine en perspective pour pouvoir négocier avec le pouvoir une transition pacifique sous l’impératif de la préservation de notre souveraineté nationale et l’atténuation de la souffrance du peuple.
Y. B.
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