Subventions : pour une chambre nationale de compensation
Par Abderrahmane Mebtoul – Les subventions sont régressives, montrant leur manque d’équité et la nécessité de les réformer : plus vous êtes riche, plus vous en bénéficiez. Mais conserver cette politique coûte de plus en plus cher. Dans un rapport, la Banque mondiale (BM) fait remarquer qu’en moyenne dans le monde, 20% des plus riches bénéficient six fois plus que 20% des plus pauvres des subventions, recommandant que les programmes d’aide sociale doivent être ciblés de manière à aider les ménages pauvres et vulnérables à y faire face.
Début 2016, le gouvernement algérien a augmenté le prix de l’essence et d’autres produits énergétiques, pour la première fois depuis 2005. Pour autant, malgré une hausse sensible de 34%, l’essence algérienne figure toujours parmi les moins chères au monde : son prix est un peu plus élevé que celui de l’eau minérale. Et il se trouve qu’une essence bon marché profite surtout aux ménages aisés.
Selon la BM, les 20% d’Algériens les plus riches consomment six fois plus de carburant que les 20% les plus pauvres. A titre d’exemple, les subventions des carburants et de l’électricité profitent de manière disproportionnée aux riches, qui ont plusieurs voitures et sont plus susceptibles d’être raccordés au réseau électrique national, possédant des maisons plus grandes équipées de la climatisation. Le prix du pain étant subventionné depuis 1996, sans subventions, le prix de la baguette, actuellement à 8,50-10 dinars – officiel –, dépasserait 25 à 30 DA, les boulangeries se rabattant sur les pâtisseries pour équilibrer leur budget avec souvent du gaspillage.
Les subventions octroyées coûtent au Trésor public un différentiel qui reste mobile en fonction des fluctuations du prix d’achat de la matière première sur les marchés mondiaux. Toutefois, le Trésor public paie ce différentiel, quel que soit son niveau. Cela favorise la contrebande aux frontières. La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc et la Tunisie, sans compter les pays riverains du Grand Sud.
L’objectif stratégique 2017/2020 sera de concilier l’efficacité économique et la justice sociale, devant aller vers le ciblage pour les catégories les plus défavorisées et les segments que l’on veut promouvoir, mais provisoirement. C’est que les subventions généralisées faussent l’allocation rationnelle des ressources rares et ne permettent pas d’avoir une transparence des comptes, faussent les normes de gestion élémentaires et les prévisions tant au niveau micro que macroéconomique, aboutissant au niveau des agrégats globaux (PIB, revenu national) à une cacophonie additionnant des prix du marché et des prix administrés. Ils découragent la production locale avec un gaspillage croissant des ressources financières du pays.
Comme se pose cette question stratégique : qu’en sera-t-il avec après les trois années de dégrèvement tarifaire avec l’Europe horizon 2020 et son éventuelle adhésion à l’OMC, où les produits énergétiques sont également concernés notamment par la suppression de la dualité du prix du gaz, l’adhésion de la Russie et de l’Arabie Saoudite à l’OMC devant être méditée par les autorités algériennes ?
L’Etat algérien n’a plus, avec le niveau actuel du prix des hydrocarbures, les moyens de continuer à subventionner certains produits. Aussi, y a-t-il lieu d’instaurer une chambre nationale de compensation indépendante, au niveau du Premier ministre, chargée de mettre en place un système de péréquation intra-socioprofessionnelle et interrégionale ciblé, et ce, en collaboration avec le Conseil national économique et social, totalement bureaucratisé, dont la composante n’a pas été renouvelée depuis plus de 15 ans.
Il y a urgence, loin des discours, de changer de politique économique pour l’émergence d’une économie hors hydrocarbures, et ce, pour le bien-être de l’Algérie et des générations futures, mettant fin au cancer de l’économie de la rente qui se diffuse dans la société par des subventions généralisées et des versements de traitements sans contreparties productives, décourageant tout créateur de richesses ?
A. M.
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