L’écrivain britannique Tariq Ali explique comment l’Occident a créé le terrorisme
Le célèbre historien-écrivain britannique Tariq Ali ne pense pas que l’impressionnant arsenal militaire mobilisé par l’Otan et ses alliés pour combattre le terrorisme islamiste soit d’un grand secours pour sécuriser totalement l’Occident. «La leçon à tirer des dix dernières années est la suivante : malgré la surveillance, malgré l’infiltration au sein de “groupes musulmans radicaux” et dans un grand nombre de mosquées et de communautés, les actes isolés de terrorisme sont extrêmement difficiles à contenir», assène-t-il.
Dans une tribune publiée au début de la semaine dans le journal français Le Monde et dans laquelle il revient sur l’attentat contre la salle de concert de la Manchester Arena, Ali estime, au contraire, que «les attaques terroristes continueront». Tariq Ali soutient que cela sera le cas «tant que la politique étrangère européenne et américaine restera la même», suggérant même que les Occidentaux sont en grande partie responsables de la violence qui se déchaîne aujourd’hui contre eux.
Pour lui, les Occidentaux ont contribué, avec leurs politiques belliqueuses à l’égard du monde musulman, à l’émergence du terrorisme et de l’islam radical. «Aujourd’hui, la politique étrangère occidentale n’est jamais absente des éléments qui participent à la formation de la psychologie politique du terroriste», explique Tariq Ali, tout en insistant sur l’idée que «les guerres déclenchées par l’Occident ont créé partout dans le monde des courants djihadistes». «Les citoyens européens se contentent de penser aux tueries sur leur sol. Or, c’est le même genre d’individus ou de groupes qui ravagent l’Irak, la Syrie, le Yémen, Bahreïn, l’Afghanistan ou le Pakistan. Là, qu’elle soit causée par des extrémistes locaux ou des drones occidentaux, la mort d’innocents suscite peu d’empathie», regrette-t-il.
S’interrogeant sur les motivations de Salman Abedi, l’auteur de l’attentat contre la salle de concert de la Manchester Arena le 22 mai dernier, Tariq Ali se montre persuadé que l’événement tragique et «impardonnable» a un rapport avec le chaos créé par la Grande-Bretagne et la France en Libye. L’historien-écrivain britannique explique, à ce propos, que l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis avait eu également pour effet de provoquer la radicalisation de nombreux musulmans. «Seize ans après que Bush eut déclaré la “guerre contre le terrorisme”, la situation a empiré. Ben Laden et les terroristes du 11-Septembre disaient combattre en réponse à l’occupation américaine des territoires arabes et à l’injustice dont était victime la Palestine. L’un des terroristes de juillet 2005 avait reconnu s’être radicalisé à la suite de la guerre en Irak», note-t-il.
Tariq Ali estime également légitime de se demander si l’attentat en question «est lié de quelque façon aux élections qui doivent se tenir en Grande-Bretagne», surtout, dit-il, que les experts sont sceptiques quant à la possibilité qu’il ait été réellement «managé» par Daech, groupe terroriste qui est actuellement en déclin. «Comme à chaque fois, le nom d’un musulman déchaînera la droite, l’extrême droite et leurs réseaux de médias aux cris habituels de : “Exterminons les barbares”», pronostique-t-il.
Tariq Ali termine sa tribune par une note pessimiste. Il fait remarquer que bien que tout le monde ait aujourd’hui compris l’origine du problème, «les leaders occidentaux maintiennent la même politique étrangère que par le passé». «Au même moment où Theresa May a exprimé son dégoût pour les actes de violence commis en Grande-Bretagne, elle et son gouvernement déclaraient qu’ils étaient encore prêts à se battre dans le monde arabe, ou ailleurs, sous le commandement des Etats-Unis», regrette-t-il.
Sadek Sahraoui
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