Législatives : enseignements et perspectives

Par Zoheir Rouis(*) Le 4 mai dernier, les Algériens ont exprimé de manière nette et massive leur rejet du régime en place et des partis qui ont accepté de cautionner un simulacre d’élections. De ce point de vue-là l’élection législative du 4 mai dernier s’apparente clairement à un référendum à l’envers !

Le rejet du régime et de ses alliés a désormais atteint un effet de seuil. Et en cela cette séquence électorale a été inédite à plus d’un titre. Inédite, elle l’a été par :

– L’arrogance dont a fait preuve le régime à l’égard des tenants du boycott, notamment en intimant l’ordre aux médias de ne pas leur donner la parole.

– La peur panique qui s’est emparée du régime lorsqu’il a compris bien avant le scrutin qu’il avait définitivement perdu la bataille de la participation à mesure que l’impact des actions des boycotteurs et de leurs arguments sur la population devenaient évidents pour tous.

– L’aveuglement et l’avidité dont a fait preuve une certaine classe politique, vieillissante, en profonde rupture avec les aspirations du peuple et éloignée de lui parce que trop proche d’un régime corrompu et corrupteur.

– La réaction dont ont fait preuve les Algériens qui ont non seulement refusé cette mascarade mais ont de surcroit choisi d’agir contre et cela de différentes manières : vidéos sur les réseaux sociaux, démantèlement des panneaux électoraux, détournement de l’usage de ces panneaux…

– Le taux d’abstention historique de plus de 63% au national, avec des taux oscillant entre 70% et 90% dans le quart des circonscriptions électorales tant à l’intérieur du pays qu’au sein de la communauté algérienne à l’étranger. Le cumul des abstentionnistes et des bulletins nuls donne un taux de rejet du régime et de ses alliés de 78% ! (sur la base des seuls chiffres officiels). C’est plus qu’un référendum…

– Le nombre historiquement élevé de bulletins nuls (plus de 2 millions), qui a démontré que quand bien même certaines catégories de la population ont été contraintes de se rendre aux urnes, elles ont néanmoins tenues, dans le secret de l’isoloir, à exprimer leur rejet du régime et à bien lui signifier leur non-duperie !

Pourtant, on ne peut pas dire que le régime n’a pas tout fait pour amener les algériens à se rendre aux urnes : vote des militaires hors des casernes comme gage de respect de la loi et de barrage à la fraude, commission de surveillance des élections, participation de partis de l’opposition pourtant préalablement engagés dans la plateforme de Mazafran …  Tout cela n’aura pas suffi à induire en erreur une population majoritairement jeune, désormais de plus en plus engagée et au fait de la réalité des choses.

Les partis du pouvoir, FLN et RND, malgré le probable bourrage d’urnes pour masquer l’ampleur du rejet dont ils font l’objet, ont officiellement récolté à eux deux 2.5 millions de voix, soit 11% du corps électoral. Et quand bien même on leur rajoute les 1% octroyés au MPA et au TAJ, ils arrivent à 13% du corps électoral alors qu’ils sont censés avoir mobilisé leurs électorats pour faire le plein des voix. Une déroute consacrée officiellement !

Les partis dits islamistes quant à eux n’ont recueilli, entre eux, que 2.7% des voix du corps électoral (1.7% pour l’alliance autour du MSP et 1% pour celle autour du MRN) alors que les partis dits démocrates que sont le RCD et le FFS, ont, en ce qui les concerne, recueilli moins de 1% entre eux (0.65% pour le FFS et 0.28% pour le RCD). On peut raisonnablement penser que les adhérents et sympathisants de ces partis ont pris le large tant ils ne se reconnaissent plus en ces vieux partis au double discours et qui pratiquent l’entrisme pour le partage du pouvoir avec le régime.

Dans l’opposition, on peut penser que la clarification est désormais faite entre ceux ont tout fait lors de cette élection pour donner une caution démocratique à cette mascarade électorale et une légitimité à ce fiasco et ceux qui ont tout fait pour que les Algériens saisissent les véritables enjeux de cette élection et s’engagent par leur refus dans la construction d’une conscience civique tournée vers la construction d’un Etat de droit.

Quant au régime, les fissures internes sont béantes et les dissensions autodestructrices. La décomposition est inéluctable même si, à mesure qu’elle progresse, les prédateurs deviennent plus voraces mais néanmoins plus nuisibles entre eux.

Le 4 mai dernier, les Algériens ont en réalité fait le choix de l’avenir sans ce régime.

De la déroute du régime et de ses alliés naît en réalité une nouvelle forme d’engagement citoyen qui s’est exprimé notamment à travers les partis ayant boycotté le scrutin, les organisations dites de la société civile et les réseaux sociaux. Désormais, c’est de là que semble poindre l’espoir d’un renouveau possible de l’engagement pour le changement.

Une forte demande de rénovation des pratiques politiques s’exprime, de même qu’une exigence très saine de la part des citoyens de pouvoir s’impliquer davantage dans le choix de leurs représentants à tous les niveaux.  C’est là une intransigeance encourageante en matière d’éthique en politique et qui engage les partis !

Répondre à la volonté de changement et de participation des citoyens en proposant une façon nouvelle de faire de la politique, telle est la mission des partis sincères et impliqués dans un changement réel et profond pour l’édification d’un Etat de droit. Mettre en œuvre les conditions d’une implication personnelle plus poussée de leurs militants, encourager la créativité individuelle et le travail collectif, favoriser la circulation des informations et la formation politique permanente, promouvoir les échanges et la coopération, telles sont les responsabilités des partis. Autant de conditions qui pourront leur permettre d’apparaitre plus crédibles et donc plus aptes à représenter une véritable alternative.

Pour tout cela, il faut une organisation saine et démocratique, des structures solides et ouvertes, des règles communes, des délibérations collectives, transparentes et démocratiques, des dirigeants élus et responsables. Autrement dit, des partis nouvelle génération, des partis 2.0 !

Z. R.
(*) Membre du conseil politique de Jil Jadid

Comment (4)

    mouatène
    4 juin 2017 - 22 h 26 min

    le concret s’il vous plait !!
    le concret s’il vous plait !!!!! Le Tout Puissant dans le Saint Coran précise  » ceux qui font les lois et qui ne les appliquent pas, sont comparés aux anes qui transportent des « chouari » pleins de livres.
    -chose très importante; aux dernières législatives, comme il est question, est ce que vous avez remarqué que TOUS les RESPONSABLES POLITIQUES ont présenté dans les bureaux de votes, devant les caméras, des cartes d’identité nationales anciennes ( VERTES) et NON BIOMETRIQUES. et pourtant la loi c’est eux qui l’on faite, mais….non seulement ils ne la respectent pas, mais ils l’ignorent totalement. etc….etc….etc….. c’est un vrai GAG, non ?

    Mello
    4 juin 2017 - 16 h 20 min

    Mr Zoheir, votre analyse ne
    Mr Zoheir, votre analyse ne repond guere au titre de l’article soit : legislatives, enseignements et perspectives.
    Vous proposez des partis 2.0, apparement ce n’est qu’un discours qui va rester encore lettre morte. Lettre morte, comme cette engouement populaire qui avait rejete les elections . Pourtant, ce choix politique ne devrait pas etre difficile a capitaliser en la tranformant en dynamique politique. Dans tous les cas cette majorite, pres de 70 % , ne doit pas continuer a dormir sur ses lauriers. En l’etat actuel, il faudrait reconnaitre que ce peuple , ses elites, ses cadres, ses universitaires ne jouent aucun role depuis des lustres. Mais si des personnes qui parlent au nom des 70 % , croient que cette majorite defend un quelconque projet, alors il faudra qu’ils le mettent en oeuvre.

    Anonymous
    4 juin 2017 - 12 h 32 min

    « Le 4 mai dernier, les
    « Le 4 mai dernier, les Algériens ont en réalité fait le choix de l’avenir sans ce régime. » Nous sommes nombreux à avoir agi de cette façon en se souvenant de l’idée que pour ne plus laisser une influence se faire à notre détriment, c’est non pas la contestation bruyante mais la contestation par déduction.
    En effet, une page est tournée et il faut des représentants avec une autre approche. 1962-2017, soit 55 ans dépendant d’un cycle. Maintenant il faut des gens ayant compris que l’Algérie a besoin de forger la seconde étape.

    Anonyme
    4 juin 2017 - 2 h 46 min

    La participation au consulat
    La participation au consulat de Saint Etienne n’a été que de 3%! Malgré la rumeur lancée … que la carte du vote cachetée sera demandée à la douane cet été.

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