Quelle position adopter face à la crise entre Doha et Riyad : un dilemme pour l’Algérie
Si, pour l’instant, l’Algérie n’a pas encore réagi à la crise diplomatique sans précédent qui déchire les pays du Golfe, après l’annonce de six pays de rompre leurs relations avec le Qatar, tout indique que notre pays observera une parfaite neutralité, et ne pourra qu’appeler à la normalisation, au nom de la fraternité et de la solidarité arabes.
D’abord, parce que, traditionnellement, l’Algérie se défend de s’ingérer dans les affaires d’autres pays, comme elle l’a prouvé à maintes occasions mais, surtout, parce qu’elle n’est sous l’influence d’aucune des deux parties en conflit, comme le sont les quatre ou cinq pays (Emirats arabes unis, Bahreïn, Egypte, Yémen et gouvernement de l’Est libyen) qui se sont immédiatement alignés du côté saoudien, en attendant certainement d’autres dans les prochaines heures.
Il faut dire même que l’Algérie a subi les affres de ces deux puissances arabes que sont l’Arabie Saoudite et l’Emirat du Qatar, qui cherchaient alors à caporaliser l’ensemble des pays arabes pour asseoir leur plan de reconfiguration de la carte géopolitique de la région.
L’Algérie s’est d’abord heurtée à Doha dès les premières années du déclenchement du «printemps arabe» pris en main par le petit Emirat gazier. Lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe au Caire, en février 2013, le Qatar a publiquement menacé l’Algérie de lui faire subir le même sort que les pays en proie au chaos. Alger refusait de cautionner notamment la suspension de la Syrie de cette organisation panarabe et rejetait toutes les accusations qui étaient formulées contre le gouvernement de Damas.
Le froid entre l’Algérie et le Qatar remonte, en fait, aux années 1990 lorsqu’Alger a décidé de fermer le bureau de la chaîne Al-Jazeera à Alger, en raison du parti-pris flagrant de cette chaîne pour la subversion islamiste. Cette chaîne de propagande ne ratait pas une occasion pour dénigrer l’Algérie et cherchait sans cesse à y semer la fitna par la désinformation et l’intoxication, méthode utilisée avec efficacité en Libye, en Egypte, en Syrie et en Irak.
Reprenant l’initiative, après la destitution de l’ex-président égyptien Mohamed Morsi, en juillet 2013, l’Arabie Saoudite n’a pas cessé de faire pression sur l’Algérie pour la rallier à son camp, mais en vain. Au niveau de la Ligue arabe, désormais inféodée à Riyad, l’Algérie fait partie de trois pays ayant refusé de voter, en mars 2016, le classement du Hezbollah libanais comme organisation terroriste. Les Saoudiens en voudront encore à l’Algérie pour son refus de rejoindre l’alliance armée qu’ils avaient montée contre la résistance yéménite.
En avril 2015, un avion d’Air Algérie a été interdit de survoler l’Arabie Saoudite pour rapatrier des dizaines de Maghrébins bloqués à l’aéroport de Sanaa. Mais, en dépit de cette tendance à l’escalade, l’Algérie a toujours privilégié l’apaisement et l’entente avec Riyad. Ce message a été transmis de vive voix, en avril 2016, par l’envoyé spécial du président Bouteflika, Tayeb Belaïz, au roi d’Arabie Saoudite, Salman. Expliquant la démarche de l’Algérie, Belaïz a déclaré que notre pays respectait «une doctrine héritée de la Guerre de libération nationale et basée sur le principe de non-intervention dans les affaires internes des Etats», a-t-il affirmé pour justifier le refus de l’Algérie d’adhérer à la coalition mise en place par l’Arabie Saoudite. «Toutefois, a-t-il relativisé, les différends entre l’Algérie et l’Arabie Saoudite n’étaient pas de nature à “altérer la relation fraternelle” qui lie nos deux pays.»
Il faut dire que, depuis cette rencontre, la tension entre les deux capitales s’est apaisée, comme l’atteste l’invitation récente de l’Algérie à assister au Sommet Etats-Unis-monde musulman à Riyad. Mais loin de toute idée de soumission.
R. Mahmoudi
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