Sur l’interdiction d’ouvrages islamistes
Par Mesloub Khider – Régulièrement revient sur la scène médiatique le débat sur l’interdiction des livres réputés salafistes. Parmi les principaux instigateurs de ces appels à l’interdiction d’ouvrages islamistes, s’illustre en particulier l’avocaillon franco-israélien G. William Goldnadel, ce sergent recruteur du sionisme mondial. Et son entreprise politique d’autodafé rencontre beaucoup d’échos parmi les Algériens.
Qu’un média français se fasse l’apologiste des basses manœuvres de cet avocaillon franco-israélien ne nous étonne guère, mais que des Algériens lui emboîtent le pas pour soutenir son initiative d’interdiction des livres réputés islamistes, il y a de quoi être perplexe, pour ne pas dire scandalisé. Comment peut-on cautionner l’appel à l’interdiction des livres réputés islamistes initié par ce défenseur d’Israël.
Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, cet abonné des plateaux de télévision endosse ainsi la tenue militaire de Tsahal pour se livrer à la chasse d’ouvrages sur l’islam jugés trop favorables aux thèses islamistes. Sont visés particulièrement les livres prônant le djihad, l’application de la charia, la pratique rigoriste de l’islam. En fait, des préceptes contenus globalement dans le coran. Ce qu’aucun musulman authentique ne peut nier.
Encore une fois, ce n’est pas l’esprit qui guide le monde. Ce n’est pas la conscience qui détermine l’être, mais l’être social qui détermine la conscience.
La publication et la diffusion de livres, fussent-ils subversifs ou salafistes, ne peuvent aucunement embrigader les esprits des personnes qui les lisent. Ce n’est pas parce que l’on va lire le coran qu’on deviendra musulman ou islamiste. Ni pareillement lire le Capital qu’on deviendra marxiste ou révolutionnaire.
D’ailleurs, ces livres islamistes ont toujours existé. Ils sont depuis longtemps publiés. Ils trônent librement sur les étalages des librairies depuis des décennies. Et pourtant, personne ne s’offusquait de leur publication. Personne ne leur prêtait quelques pouvoirs maléfiques d’endoctrinement au service du djihad, d’embrigadement au profit du terrorisme. Et personne ne songeait même à les lire.
Et pourquoi ? Parce qu’autrefois, le contexte historique, à l’époque de la confrontation Est-Ouest, jusqu’à l’effondrement du bloc soviétique en 1989, était radicalement différent. Les occupations littéraires et préoccupations politiques différentes. La situation internationale, marquée par l’affrontement Est-Ouest, était confrontée à d’autres conflits, à d’autres tensions, à d’autres guerres sur fond de systèmes idéologiques antagoniques.
Et on n’entendait nullement parler des musulmans. Ils ne constituaient aucune menace pour l’Occident. Ignorés par l’Histoire qui se déroulait sans eux, ils évoluaient dans des sociétés encore archaïques, dans un climat social et politique marqué par l’insouciance et l’innocence. On ne prêtait également guère attention à leurs pratiques religieuses, qui s’accomplissaient, par ailleurs, dans la tolérance. Notamment en Algérie.
Si changement de situation sociopolitique il y a eu au cours de ces trois dernières décennies dans les pays de confession musulmane, c’est à la faveur des ébranlements politiques et des modifications géostratégiques mondiaux. Propulsés sur la scène internationale malgré eux (et surtout contre eux), en raison des interventions impérialistes dans les pays arabes pour le contrôle du pétrole et d’autres mobiles stratégiques, depuis lors, les musulmans sont devenus l’enjeu des puissances capitalistes impérialistes. Par leur stratégie du chaos, ces puissances impérialistes ont détruit plusieurs pays musulmans. Provoquant corrélativement un délitement total du tissu social et un effondrement complet de leur économie déjà sous-développée. Jetant ainsi dans la détresse et le chômage des millions de prolétaires. Sans aucun avenir, ces millions de désœuvrés sont devenus la proie des islamistes et des terroristes, eux-mêmes manipulés par les puissances impérialistes.
C’est dans ce climat de déstabilisation totale de ces pays «arabes» et de décadence du capitalisme mondial qu’il faut situer les fondements de l’éclosion et de l’expansion de l’islamisme et du terrorisme. Et non dans quelques ouvrages à caractère religieux, quand bien même radicalement islamistes.
Et ce n’est pas l’interdiction de ces livres ou la fermeture des sites internet islamistes qui arrêteront le phénomène du djihad, du terrorisme. Et particulièrement en Occident. Notamment en France, où les jeunes continueront à être tentés par l’embrigadement dans les mouvements islamistes tant que les puissances impérialistes persisteront à semer partout la terreur, à massacrer des innocents, à détruire des pays souverains.
Alors, de grâce, ne devenez pas les complices des impérialistes, des sionistes, qui savent détourner les regards (ou plutôt les coups) vers des cibles exutoires propitiatoires désignées à la vindicte médiatique et populiste.
De surcroît, aujourd’hui, ils réclament l’interdiction des livres islamistes. Demain, ils exigeront la proscription du coran. Et après-demain, de tous les livres de critique radicale contre le capitalisme, voire de tout simple livre considéré comme par trop subversif.
En vérité, la lutte contre l’islamisme passe par la lutte contre l’impérialisme, et son géniteur, le capitalisme. L’islamisme n’est que l’enfant bâtard du capitalisme, devenu stérile. Aujourd’hui, il a enfanté l’islamisme avec le soutien des pays arabes pour circonscrire et étouffer les révoltes sociales des masses populaires de confession musulmane, mais aussi pour les terroriser avec l’aide de leurs dirigeants respectifs à la solde de l’impérialisme. Demain, une fois l’épouvantail islamiste passé de mode, le capitalisme décadent accouchera d’un nouveau monstre pour dévoyer les luttes sociales sur des préoccupations sécuritaires requérant à nouveau le renforcement de l’appareil répressif d’Etat, avec son corollaire de quadrillage policier, de déploiement de l’armée, de contrôle des réseaux internet, d’interdiction de manifestations, d’instauration de l’état d’urgence, de l’état de siège. Tout cela pour le grand profit du capital, de plus en plus contraint de recourir à la force. Signe de sa faiblesse.
Le déploiement de la force de l’Etat n’est que l’expression de l’état de sa faiblesse.
La classe capitaliste peut interdire tous les ouvrages subversifs pour se maintenir dans l’histoire. Mais l’ouvrage subversif de la lutte des classes ne s’interdit jamais de maintenir son mouvement pour abolir la classe capitaliste de l’Histoire.
M. K.
Educateur spécialisé
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