Visite à Mohammed VI et téléphone à Bouteflika : la manœuvre habile de Macron
Le président Emmanuel Macron a annoncé s’être entretenu, jeudi, avec Abdelaziz Bouteflika. Dans le même temps, il a dit qu’il se rendra au Maroc en visite officielle de deux jours les 14 et 15 juin prochains. Lors même que cette visite n’est pas une surprise en soi, puisque, candidat, il avait affirmé que sa première sortie nord-africaine allait être réservée au royaume chérifien, par conséquent un non-événement, en revanche, ce qui intrigue et laisse planer un doute sur la sincérité de la posture du chef de l’Etat français est la simultanéité des deux annonces.
D’aucuns s’interrogent, à juste titre d’ailleurs, sur la coïncidence des deux événements. Les fins connaisseurs du fonctionnement de la politique africaine de la France y voient dans l’entretien téléphonique qu’a eu Emmanuel Macron avec Abdelaziz Bouteflika une simple manœuvre habile de la part du locataire de l’Elysée pour ne pas probablement susciter l’ire à Alger. La pirouette vise, semble-t-il, à tenter de contenter tout le monde, comme il lui fut reproché par ses concurrents tout au long de la campagne présidentielle. Emmanuel Macron était, accusaient ses adversaires, d’accord à peu près sur tout et avec tous.
Depuis son élection, Emmanuel Macron a choisi, selon bon nombre d’observateurs de la vie politique française, la posture au détriment de l’action. Une poignée de mains très appuyée avec le président américain et la photo de famille du G7 ne sont pas de nature ni à régler la situation au Sahel ni à rectifier les conséquences désastreuses des décisions de ses prédécesseurs sur la Libye.
Elles ne sont pas non plus une réponse aux derniers développements dans les relations entre les monarchies du Golfe, une crise sur laquelle Emmanuel Macron a, jusqu’ici, observé un silence inexplicable, mais qui pourrait s’expliquer par les liens très étroits qui unissent la France et le Qatar.
Toutefois, il ne peut éluder indéfiniment ou remettre à plus tard les dossiers chauds qui fâchent. A ce titre, il ne manquera pas, à moins que les médias français ne l’épargnent et lui accordent la clémence comme c’est le cas jusqu’ici, d’être interpellé de lors sa visite marocaine où il est attendu sur sa position sur les événements qui, cette fois, secouent sérieusement le royaume. Son discours sera scruté à la loupe. Car c’est là qu’il devra donner toute la mesure de sa stature et tout le sens de sa visite.
Ou bien il s’indigne et dit un mot sur le sort réservé aux sujets du roi, en général, et aux populations berbères, en particulier, sur les richesses du peuple sahraoui détournées, au mépris des résolutions de l’ONU, par le roi, aidé par des sociétés internationales complices, et également rappelle que la notion des droits de l’Homme est aussi valable même chez les «amis». Dans ce cas, Emmanuel Macron peut s’enorgueillir de s’être affranchi et de rompre avec les pratiques et les usages anciens.
Dans l’hypothèse contraire, à l’instar de ses prédécesseurs, Emmanuel Macron donnera la preuve formelle que la France protège – et protégera encore et toujours – le Maroc. A tort ou à raison.
Et, ainsi, l’entretien téléphonique avec Bouteflika au cours duquel il a «souligné (sa) volonté de construire un rapport d’amitié et de confiance avec l’Algérie» ne trompe personne.
De Paris, Mrizek Sahraoui
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