Un diplomate français révèle : «L’alliance de l’Occident avec les djihadistes est naturelle»
A l’occasion de la réédition de son livre Tempête sur le Grand Moyen-Orient, Michel Raimbaud, ancien diplomate de France en Mauritanie, au Soudan et au Zimbabwe, revient dans une longue interview accordée à l’hebdomadaire Afrique-Asie sur le façonnement en cours du Moyen-Orient entrepris par les néoconservateurs américains, avec la complicité des élites occidentales.
D’entrée de jeu, l’ancien diplomate n’a pas hésité à dire que l’affaire des «bombardements chimiques» d’Idlib, en Syrie, en avril dernier est «une redite de l’affaire Colin Powell de 2003 en Irak et de la séquence de l’été 2013 en Syrie (attaque de la Ghouta)». Et de conclure que «la ficelle est bien grosse. Les mensonges sont légion dans le cas syrien, tellement nombreux qu’il s’avère difficile de les traiter tous». Extrapolant, Michel Raimbaud dira que «les régimes takfiristes qui financent les « révolutions » chez leurs voisins espèrent ainsi faire oublier leur nature profondément réactionnaire», allusion aux monarchies du golfe Persique.
Michel Raimbaud, qui a déjà été interviewé par Algeriepatriotique le 7 avril 2016, rappelle que «l’Etat profond néoconservateur» qu’il évoque souvent dans ses analyses est une «réalité visible, voire très voyante, depuis la fin de la Guerre froide». Il ajoute que ce mode de pensée, né dans le camp républicain qui est son berceau, s’est solidement implanté dans les rangs démocrates, avant de trouver des terreaux favorables dans toutes les terres d’Occident et dans les Etats les plus improbables. «La France est loin d’échapper à la règle tant est grande l’idolâtrie des élites vis-à-vis de tout ce qui vient d’Amérique et le lien de vassalité que celles-ci ont intériorisé durant les décennies passées», assène-t-il. «Les élites parisiennes sont depuis des années cooptées dans le fameux programme des « Young Leaders » de la fondation franco-américaine», ajoute-t-il encore.
Par ailleurs, l’analyste fait un parallèle entre les néoconservateurs américains, depuis les «Pilgrim Fathers», ces pères fondateurs, pour l’essentiel des protestants fuyant l’Europe pour des raisons religieuses et se référant à la bible plutôt qu’au nouveau testament et le sionisme.
Pour Michel Raimbaud, Donald Trump est le produit des neocons malgré ses affirmations, puisqu’il semble considérer Reagan comme un père spirituel et se réfère volontiers aux pères fondateurs de l’Amérique. Pour lui, il est clair que c’est la théorie du chaos qui est «remise en application : elle correspond à dire tout et son contraire». Le président «flexible» est un pur produit de l’école néoconservatrice, fondée sur le double messianisme protestant et juif, explique-t-il. Poursuivant son analyse, Raimbaud considère que «l’alliance avec les islamistes djihadistes n’est pas circonstancielle, mais naturelle».
Sur la pénétration du néoconservatisme dans les arcanes du pouvoir français, l’interviewé dira que cela a commencé au lendemain de la chute de l’URSS et à la signature du traité de Maastricht en 1992. Il citera aussi la dévaluation inopinée du franc CFA de 50% en 1994 sous la pression conjointe de la Banque mondiale et du FMI, faisant voler en éclat l’héritage gaullien. «La France sera en quelque sorte chargée de « gérer » pour le compte de Washington le dossier de la détérioration programmée des relations avec Damas», dira Raimbaud.
En outre, l’ancien diplomate considère que «l’atlantisme et le sionisme sont désormais les deux mamelles des néocons» en France. Cette adhésion a commencé avec Chirac puis s’est finalisée avec Sarkozy qui parlait de «retour au bercail» pour justifier la réintégration pleine et entière de nos forces au sein du commandement intégré de l’Otan. Pour ce qui est de Hollande, l’auteur dira que, de toute façon, «les socialistes ont un ADN européiste, sioniste et colonialiste qui remonte au minimum à Guy Mollet (sous la IVe République)».
A propos de l’Europe, Raimbaud s’est dit révolté. «Nous nous indignons que les décisions nous concernant soient prises à Bruxelles, alors qu’en réalité, c’est en Amérique que tout se décide.
Ramdane Yacine
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