Les Affaires étrangères allemandes : «Le Golfe à deux doigts d’une guerre»
Le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, a souligné le risque de voir la crise diplomatique entre le Qatar et plusieurs autres pays arabes, dont l’Arabie Saoudite et l’Egypte, déboucher sur une guerre. Il a exprimé cette crainte dans une interview accordée samedi au journal allemand Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung. «Le risque existe que cette crise dégénère en une guerre», a-t-il affirmé. Il explique qu’il a tiré cette conclusion des discussions qu’il a eues sur la question avec ses homologues saoudien, qatari et turc, ainsi que ses conversations téléphoniques avec ceux d’Iran et du Koweït. Mais il n’exclut pas la possibilité de résoudre la crise.
«L’Allemagne va tout faire, avec la communauté internationale et l’Union européenne, pour que ce conflit ne s’aggrave pas», avait déclaré la veille, vendredi, le chef de la diplomatie allemande à l’occasion de sa rencontre, à Berlin, avec le ministre qatari des Affaires étrangères, cheikh Mohamed ben Abderrahmane Al-Thani, envoyé en visite surprise en Allemagne à la recherche de soutiens à l’étranger. Sigmar Gabriel a estimé que le blocus imposé au Qatar était «lourd de conséquences» pour la population qatarie, mais aussi pour l’économie allemande.
Dans son édition du 7 juin, le quotidien des affaires Handelsblatt avait déjà fait part de la position du ministre allemand des Affaires étrangères qui n’a pas hésité à accuser le président américain Donald Trump d’attiser les conflits au Moyen-Orient en prenant le risque d’une nouvelle course à l’armement après la mise au ban du Qatar par ses voisins. Il en a donné pour preuve les récents contrats militaires géants du président américain Trump avec les monarchies du Golfe qui renforcent le risque, selon lui, d’«une nouvelle spirale à l’armement». Le chef de la diplomatie allemande s’était dit «très préoccupé par l’escalade dramatique et ses conséquences pour l’ensemble de la région». Pour lui, «on veut apparemment plus ou moins isoler complètement le Qatar et le toucher dans son existence».
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a, lui aussi, exprimé sa préoccupation sur la situation autour du Qatar, au cours d’une rencontre à Moscou avec son homologue qatari, Mohamed ben Abderrahmane Al-Thani.
De toute évidence, le Qatar est décidé à résister et non pas à céder aux pressions exercées par l’Arabie Saoudite et ses alliés. Le petit émirat exige la levée des sanctions, comme préalable au déplacement de son émir à Washington pour des négociations en vue de résoudre la crise du Golfe créée par la décision de l’Arabie Saoudite, Bahreïn, l’Egypte et les Emirats arabes unis de rompre leurs relations diplomatiques avec Doha, accusé de «déstabiliser la situation en matière de sécurité» et de «soutenir le terrorisme» au Proche-Orient.
Le mouvement d’isolement du Qatar n’a pas été largement suivi. Les deux autres pays du Conseil de coopération du Golfe, le Koweït et Oman, ont fait preuve d’une neutralité bienveillante à l’égard du Qatar. Oman est particulièrement sensible à ce conflit du fait des relations privilégiées qu’entretient le sultanat avec l’Iran.
Par ailleurs, à ce jour, seuls des pays musulmans ou à majorité musulmane, à faible impact international comme Djibouti, le Sénégal, la Mauritanie, les Maldives, les Comores ou des pays déstabilisés comme la Libye et le Yémen, ont suivi, de façon différenciée, l’Arabie Saoudite. Au contraire, la Turquie a volé au secours de son allié le Qatar, alors que l’Iran a montré sa disposition à l’aider à surmonter son isolement.
La Turquie a ouvert une base militaire au Qatar alors que l’Iran a envoyé à Doha cinq avions chargés chacun d’environ 90 tonnes de produits alimentaires et de légumes et 350 tonnes de produits alimentaires ont été chargés sur trois petits bateaux depuis le port de Dayyer (sud de l’Iran) situé juste en face de l’émirat. Depuis le début de la crise, l’Iran a ouvert son espace aérien aux vols vers et en provenance du Qatar.
La volonté du Qatar de s’opposer aux mesures d’isolement de ses désormais nouveaux ennemis dans le Golfe est de nature à pousser l’Arabie Saoudite à augmenter d’un cran la batterie de mesures hostiles à Doha, dans une escalade qui pourrait déboucher, comme le prévoit le ministre allemand des Affaires étrangères, sur un conflit armé.
Houari Achouri
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