Plus de la moitié des Français n’a pas voté : la fin d’un mythe appelé «démocratie»
L’abstention au second tour des élections législatives françaises atteindrait, selon les estimations, 57%, un record sous la Ve République. Cette désaffection sonne comme un cinglant désaveu de la chose politique, mais plus globalement de tout un modèle de gestion des affaires de la cité, entretenu par des élites et des institutions à la fois coupées des nouvelles réalités et insensibles aux attentes du plus grand nombre.
Plusieurs facteurs expliquent d’emblée cette tendance qui va crescendo : l’anachronisme des discours politiques – l’Europe, les valeurs, la relance économique, etc. –, le recyclage perpétuel d’un personnel honni par les citoyens, l’effet pervers de la surpolitisation des médias lourds, l’échec des réformes sociales mises sur pied aussi bien par la droite que par la gauche. A cela, il faut ajouter la dégradation du cadre de vie de la classe moyenne, aujourd’hui menacée par une précarisation rampante, à cause de ces politiques plus soucieuses des équilibres financiers et de la bonne santé des banques.
La disparition du schisme traditionnel gauche-droite, avec l’avènement du nouveau mouvement d’Emmanuel Macron, qui a très facilement raflé la majorité, et la mort inéluctable du Parti socialiste, ne semblent guère suffire pour aboutir au renouveau tant espéré d’une classe politique frappée de désuétude. Au contraire, l’alternance «démocratique» se confinera, désormais, dans un cercle encore plus étroit, puisque les nouveaux maîtres du pays arborent un libéralisme économique des plus décomplexés. L’occasion pour les partis de gauche de se réorganiser, autour peut-être de Jean-Luc Mélenchon, pour tenter de renverser la vapeur aux prochaines élections. Une tâche qui est loin d’être une sinécure, au vu de l’état de dispersion et de démoralisation dans lequel se trouvent aujourd’hui les forces se réclamant encore de la gauche.
Ce record d’abstention est aussi le signe d’une grave crise morale qui risque de s’aggraver avec notamment la montée de la xénophobie et la propagation inquiétante des idées de l’extrême-droite. Car, si le Front national n’arrive toujours pas à s’imposer au Parlement, à cause justement d’un mode de scrutin aussi désuet qui l’empêche d’y accéder, son idéologie ne cesse de gagner du terrain.
Le taux d’abstention de ce dimanche marque la fin d’un cycle et un tournant décisif aussi bien en France que dans les autres «démocraties» occidentales. Où va l’Ouest ?
R. Mahmoudi
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