Hasni Abidi au sujet de la crise du Golfe : «La situation va dégénérer si un deal n’est pas vite trouvé»
Pour Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) basé à Genève, la crise qui oppose le Qatar à certains de ses voisins du Golfe «inaugure une nouvelle configuration dans la région où les alliances traditionnelles bâties depuis des décennies se brisent en direct». Le chercheur se dit ainsi persuadé que la situation profite d’avantage à l’Iran qui, dans ce contexte, «assiste amusé à la faillite du Conseil de coopération de Golfe conçu contre lui».
Dans un entretien accordé au quotidien libanais L’Orient le Jour, Hasni Abidi avertit en outre que faute d’un deal qui sauverait la face aux différents protagonistes de la crise, l’Arabie Saoudite risque de se radicaliser dans sa position. Plus clairement, cela veut dire que le risque de conflit est bien présent. Il est peu probable que Riyad et ses alliés desserrent donc dans l’immédiat l’étreinte. «Un abandon des charges serait perçu comme une reculade face à Doha et porterait un coup à la crédibilité du nouvel homme fort de Riyad, le prince héritier Mohammad Ben Salmane, qui est extrêmement soucieux de son image à l’intérieur comme à l’extérieur», indique M. Abidi, non sans rappeler que «l’Arabie Saoudite cherche à consolider sa position de leader du Conseil de coopération du Golfe et dans le monde arabe».
L’Arabie Saoudite a-t-elle encore les moyens de faire face à une autre crise sur les bras ? Hasni Abdi pense que oui et cela, dit-il, malgré l’explosion des dépenses publiques internes, la montée de la grogne intérieure et l’enlisement au Yémen. Selon lui, la situation peut dégénérer d’autant que «le Qatar qui est dans une posture de victime n’est pas dans une situation inconfortable». «Avant d’épuiser sa capacité de résistance, il est peu probable que Doha fasse des concessions majeures», soutient le directeur du Cermam.
A la question de savoir si le fait d’envisager un blocus sur «plusieurs années», comme l’a dit le chef de la diplomatie émiratie, signifie concrètement que la politique saoudienne d’isolement du Qatar a échoué, Hasni Abidi répond sans hésiter par l’affirmative : «Cette déclaration de ministre émirati traduit non seulement l’échec de la stratégie du blocus, mais exprime la mauvaise humeur de son pays et celle de l’Arabie Saoudite face à l’indifférence de la communauté internationale. Les appels de Berlin, Paris et Londres en faveur du dialogue ont surpris Riyad qui s’attendait à plus d’adhésion de la part des Européens.» Hasni Abidi ajoute que «les actions habiles de Doha sur le plan diplomatique, l’extension de ses échanges au-delà de son environnement et le soutien ferme de la Turquie ont fini par renverser la donne en faveur du Qatar».
Sadek Sahraoui
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