Le renversement du roi Salmane se prépare-t-il en catimini ?
La mise à niveau de l’Arabie Saoudite aux normes occidentales a commencé. Selon le quotidien arabe Rai el-Youm, publié à Londres, la nomination de Mohammed Ben Salmane, 31 ans, fils du roi Salmane Ben Abdelaziz Al-Saoud, comme prince héritier d’Arabie Saoudite est annonciateur de changements radicaux destinés à sortir le royaume de l’anachronisme qui continue de dominer la vie quotidienne des Saoudiens. Le point de non retour dans la série de transformations, qui ont déjà commencé, sera la destitution, préparée en catimini, du roi Salmane et son remplacement par son fils, avec l’accord de l’Administration américaine dirigée par Donald Trump. La même source indique que le renversement du roi Salmane, 81 ans et diminué physiquement, pourrait avoir lieu plus tôt qu’on ne l’imagine.
Les observateurs ont noté que tout a commencé avec la mise à l’écart de Mohammed Ben Nayef, neveu du roi, ce qui a permis de rompre avec une tradition vieille de plus d’un demi-siècle qui veut que le pouvoir se transmette entre frères. La voie ouverte à Mohammed Ben Salmane est perçue comme l’annonce d’une politique de réformes qui pourrait aller loin et changer substantiellement la face du royaume.
On a beaucoup entendu parler de son plan «Vision 2030», lancé en 2016, pour mettre en place la transition énergétique du pays et sa transformation économique. Rai el Youm rapporte que les indices probants de l’ouverture voulue par le nouvel homme fort du royaume ont été décelés dans l’organisation, pour la première fois, d’activités culturelles mixtes, c’est-à-dire en présence de femmes côtoyant des hommes, ce qui constitue la transgression d’un double interdit religieux, bien qu’il s’agisse d’interdits non écrits dans des lois, mais imposés par le pouvoir des imams et des prédicateurs. Cette initiative, expliquent les observateurs, fait partie des gages que Mohammed Ben Salmane veut donner aux Occidentaux pour leur prouver sa volonté de changer les choses en fonction de leurs souhaits.
Les transformations les plus radicales que le prince compte introduire concernent la place de la femme saoudienne, qui pourra accéder aux activités culturelles et sportives sans les anciennes contraintes religieuses. Ces activités, qui seront mixtes, bénéficieront d’une couverture médiatique et télévisuelle très large et inédite dans le royaume. Tout récemment, les Saoudiennes ont obtenu le droit de voyager, étudier et avoir accès à certains soins de santé sans la permission du tuteur, mais la conduite d’un véhicule leur reste encore totalement interdite.
Jusqu’à quel point Mohammed Ben Salmane pourra-t-il satisfaire les exigences de ses alliés occidentaux, pilotés par les Etats-Unis, mais aussi de son voisin arabe, l’Egypte, qui abrite une forte communauté chrétienne visée par un terrorisme islamiste alimenté par des prêches enflammés qui partent souvent d’Arabie Saoudite. La police égyptienne vient d’annoncer l’arrestation de six terroristes qui projetaient des attentats-suicides dans des églises et des lieux appartenant aux chrétiens coptes. En moins de deux mois, trois attaques terroristes ont fait plusieurs dizaines de morts et plus de 130 blessés parmi les coptes en Egypte.
Le principal obstacle sur le chemin tracé par Mohammed Ben Salmane est dressé par les dignitaires religieux wahhabites dont l’idéologie est la principale source d’inspiration et de mobilisation des groupes terroristes dans leurs diverses fractions, en premier lieu celles qui opèrent dans le royaume lui-même. Vendredi dernier, un terroriste s’est fait exploser dans la ville sainte de La Mecque pour ne pas être arrêté lors d’une opération de lutte antiterroriste qui a touché également Djeddah. Des faits de ce genre, expression d’une vraie guerre interne, sont certainement appelés à se reproduire.
Houari Achouri
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