Le Comité olympique algérien : un scénario diabolique pour rééditer l’échec
Une contribution de Rabah Boucetta – L’élection de Mustapha Berraf pour un autre mandat olympique, le 27 du mois dernier, est une énième preuve que les responsables de l’échec sont plus que jamais déterminés à prendre en otage la jeunesse algérienne pour des années encore. Ils résistent même à la volonté de l’Etat incarnée par le ministre de la Jeunesse et des Sports qui a affiché solennellement sa volonté d’assainir le secteur et de le soustraire à l’emprise clanique et clientéliste, cause principale de la débâcle de Rio.
Incapables d’assurer une préparation à la hauteur de la performance et de la dimension internationale de nos athlètes, les responsables du COA ont choisi la fuite en avant en accaparant, encore une fois, l’instance sportive olympique. Ils n’ont pas été non plus sensibles à la colère unanime du peuple algérien exprimée à travers la société civile relayée par les médias et les réseaux sociaux. En reproduisant, entre autres, les images de Larbi Bouraâda s’entraînant dans une baignoire pour les jeux Olympiques de Rio, le Youtubeur Dz Joker a renversé radicalement l’enthousiasme de beaucoup de jeunes que la classe politique avait mobilisés en perspective de l’élection du 4 mai 2O17.
Rappeler, en pleine campagne électorale ces images de l’espoir du décathlon algérien, qui avait choqué le peuple algérien, traduit à la fois un désarroi social et une interpellation à l’endroit de certains responsables qui, profitant des circonstances, maquillent leurs dérives et reviennent au-devant de la scène. C’est le cas du Comité olympique algérien. En laissant passer l’orage, Mustapha Berraf avait attendu le moment opportun pour rebondir. Faisant comme si l’Algérie n’a pas été humiliée aux derniers jeux Olympiques de Rio, il s’est taillé un costume sur mesure pour sa réélection à la tête de l’instance olympique algérienne. Bénéficiant du retrait tactique de Sid-Ali Lebib, son adversaire, qui n’est en réalité qu’un soutien tacite, Mustapha Berraf a profité de la conjoncture politique liée à la démission du gouvernement Sellal au lendemain de la proclamation des résultats de la nouvelle législature de l’Assemblée populaire nationale. Tout en maintenant les rumeurs d’une prétendue proximité avec les décideurs, il espérait voir un changement à la tête du département de la Jeunesse et des Sports pour réussir son exploit de «crime presque parfait» contre le sport algérien et mettre ainsi le nouveau ministre devant le fait accompli. Au lieu de sortir par la grande porte avec les honneurs de la République, Berraf a opté, ainsi, pour une stratégie suicidaire et de la terre brûlée qui le mènera directement à la sortie par la plus petite des portes.
En revenant sur les préparatifs de cette assemblée du 27 mai 2017, on comprendra mieux le scénario diabolique qui a été minutieusement concocté dans les laboratoires du COA pour maintenir Berraf malgré l’hostilité de toute la famille sportive algérienne.
Face à la fermeté des pouvoirs publics, à leur tête le ministre de la Jeunesse et des Sports qui, depuis son arrivée, n’a ménagé aucun effort pour assainir un secteur très affaibli, Mustapha Berraf a usé d’une stratégie médiatique qui consiste à singulariser cette hostilité des pouvoirs publics à la seule personne du ministre de la Jeunesse et des Sports. Il a voulu ainsi réduire un problème d’ordre national en une affaire personnelle. Comme si le ministre ne fait pas partie d’un gouvernement. C’est dans cette optique que le sieur Berraf a organisé, lors de l’adoption du bilan moral et financier de l’année 2016 et celui du mandat olympique (2013-2017), une cérémonie avec le DGSN, le général Abdelghani Hamel, en le décorant de l’Ordre du mérite du Comité olympique et sportif algérien (COA). Une décoration qui a été à l’origine des voix obtenues par Berraf lors de la dernière assemblée générale élective. Car, aux yeux des membres de l’AG, cette distinction traduit le soutien des plus hautes autorités de l’Etat à la réélection de Mustapha Berraf. C’est avec cet hommage mérité que ce dernier avait entamé sa campagne de maintien à la présidence du COA. La semaine qui précédait l’assemblée générale élective du Comité olympique lui a été favorable parce qu’elle coïncidait avec la vacance du gouvernement, une aubaine pour faire véhiculer la rumeur du changement du ministre de tutelle. Et multiplier les déclarations de fidélité au programme du président de la République en s’adressant aux membres de l’assemblée. Tout en faisant comprendre aux Brahmia et Cie que sa chute provoquera inéluctablement la leur. Or, sur ce point, il n’a pas tort ! Pourtant, si vraiment il avait le souci de l’éthique, Berraf aurait tourné la page et éviter cette élection de trop. Mais contre toute attente, il a instrumentalisé l’échec des présidents défaillants pour en faire des pions d’une élection fermée, et dont les résultats étaient connus d’avance. Un président d’une fédération dont le bilan moral a été rejeté par l’assemblée générale s’est vu octroyer la présidence de la commission des recours. La date-butoir de toute opposition prenait fin avec l’élection du nouveau président contrairement au texte en vigueur.
Sur un autre plan, les travaux d’aménagement et de réhabilitation du siège du Comité olympique d’Oran, évalué à 5 milliards, et le projet de construction du musée de la salle Harcha à 23 milliards ont été réalisés par la même entreprise turque. Une affaire qui a suscité beaucoup de réserves. D’abord, sur l’aspect réglementaire. Il y a eu une flagrante transgression de la réglementation en vigueur, en raison de l’absence d’une procédure favorisant l’accession au marché public : c’est l’un des griefs porté par le MJS à l’endroit de Berraf, le président du Comité olympique.
Pour conclure, je rappelle la similitude des événements avec Joseph Blater, l’ex-président de la Fifa. Invité à partir par la grande porte, le Suisse avait résisté à toutes les pressions. Il a fini par être élu pour un cinquième mandat le vendredi 29 mai 2015. Une semaine après, précisément le 3 juin, il avait annoncé lui-même sa retraite. Une sortie par la petite porte de l’histoire, et sa fin fut lamentable à la tête de l’organisation internationale de football.
R. B.
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