Le Libyen Haftar gagne les faveurs de la France qui veut s’en servir contre Daech
Après avoir longtemps pris parti pour le gouvernement d’Union nationale présidé par Fayez Sarraj, au nom de la légitimité internationale, et nourri les dissensions internes, la France souhaite intégrer désormais Khalifa Haftar – qui conteste ce même gouvernement –, dans la quête d’une solution durable à la crise qui secoue la Libye depuis 2011. «Comme le Premier ministre Sarraj, le général Haftar fait partie de la solution», a déclaré le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian au journal Le Monde. Ce revirement de la position française s’explique par le changement des rapports de force en Libye à l’aune de la crise qui oppose l’Arabie Saoudite et ses alliés à l’émirat du Qatar. Haftar et l’autorité politique qui lui est loyale accusent le Qatar de soutenir financièrement les groupes armés qui menacent, selon Haftar, la stabilité du pays et empêchent l’instauration d’un Etat fort.
Dans le même registre, Le Drian prévient que la France «ne peut rester inerte» face à l’évolution de la situation dans la rive sud de la Méditerranée. Une expression devenue un leitmotiv dans le discours du ministre français depuis qu’il dirigeait déjà le département de la défense.
Prétextant le danger que constituait, pour les unités françaises installées au Tchad dans le cadre de l’opération «Barkhane», la présence de groupes armés le long des frontières avec ce pays, Le Drian avait plusieurs fois menacé d’envahir le Sud de la Libye. Paris a, une autre fois, brandi la même menace pour stopper l’expansion «dangereuse» de Daech dans les villes proches de Tripoli. «Dès 2014, rappelle Le Drian, j’ai évoqué publiquement le risque que Daech s’installe en Libye. C’est arrivé. Le périmètre d’action de Daech en Libye a été réduit, notamment autour de Syrte, de Derna et de Benghazi, mais les djihadistes se sont éparpillés et la menace demeure».
Finalement, le gouvernement français s’est résolu à soutenir le processus politique engagé sous l’égide des Nations unies, tout en essayant, dans les coulisses, de tirer les ficelles, via notamment son protégé marocain qui a parrainé, sous l’impulsion de Paris, le processus de dialogue entre les protagonistes libyens : le fameux accord de Skhirat signé en décembre 2015 et qui a permis la mise sur pied du gouvernement d’union nationale.
La vision des Français a, aujourd’hui, nettement évolué. «Le cadre doit rester celui de Skhirat, explique le ministre français des Affaires étrangères dans la même interview, mais il faut en infléchir l’architecture sous l’égide de l’ONU et avec le parrainage des Etats voisins».
R. Mahmoudi
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