Le verdict du procès de Gdeim Izik est imminent : l’Acat crie au scandale
Le procès de Gdeim Izik, dans lequel sont poursuivis 24 militants et défenseurs des droits de l’homme sahraouis, reprend aujourd’hui. Le verdict devrait être rendu peu après. Le procureur a requis la peine de réclusion maximale pour les accusés.
Pour l’ONG chrétienne contre la torture et la peine de mort Acat, «il est urgent d’agir ».
L’iniquité du procès se révèle chaque jour plus criante. Bien que le président de la Cour d’appel de Rabat ait finalement consenti à ce que certains des accusés soient soumis à des expertises médico-légales, ces dernières ne sont absolument pas conformes aux standards d’enquête détaillés par le Protocole d’Istanbul et servent d’alibi à la Cour pour une nouvelle fois se fonder sur les aveux que les accusés ont signés sous la torture.
«Les avocats de la défense n’ont cessé d’être censurés tout au long du procès et n’ont pas pu aborder pleinement la question de la torture et encore moins celle de l’applicabilité du droit international humanitaire. Le parquet a fait comparaître de nouveaux témoins, certains mystérieusement apparus sept ans après les faits. Leurs récits sont pour la plupart peu étayés, parfois contradictoires et même invraisemblables, mais le président a censuré les questions de la défense tendant à mettre en exergue le peu de crédibilité des récits», regrette l’Acat dans un communiqué rendu public hier. La même source ajoute que «le président témoigne depuis le début du procès d’une partialité manifeste à l’encontre de la défense», précisant qu’il pose lui-même et autorise les parties à poser bien plus de questions à charge qu’à décharge. «Il a autorisé la diffusion en audience d’un film de propagande dans lequel aucun accusé n’apparaît et ayant pour seule vocation de créer un climat hostile, en violation de la présomption d’innocence», indique l’Acat.
L’ONG chrétienne contre la torture et la peine de mort mentionne en outre que « la Cour a refusé que soit procédé à des tests ADN et des relevés d’empreinte sur les armes saisies et appartenant prétendument aux accusés», indiquant que «les accusés ne savent même pas quels agents ils sont soupçonnés avoir tués et de quelle façon».
Le 16 mai dernier, lassés par de longs mois d’un procès marqué par une iniquité manifeste, les accusés et leurs avocats marocains et sahraouis ont, indique-t-on, annoncé leur volonté de ne plus participer à ce qu’ils estiment être «un simulacre de procès». Le même jour, leurs avocats français ont été destitués d’office ; deux d’entre eux ont même été violemment expulsés de la salle d’audience. Ils sont depuis représentés par des avocats commis d’office. Tout ceci laisse augurer que les accusés vont à nouveau être condamnés à l’issue d’un simulacre de procès.
Le 13 juin, l’Acat a indiqué avoir «saisi plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies pour dénoncer les violations subies par les 24 accusés depuis leur arrestation».
A rappeler que les 24 accusés sahraouis ont été arrêtés, torturés et condamnés à de lourdes peines sur la base d’aveux signés sous la torture en raison de leur participation, en 2010, à un mouvement de protestation au camp sahraoui de Gdeim Izik. Les condamnations ont été prononcées le 16 février 2013 par le tribunal militaire à l’issue d’un procès inique, marqué notamment par le refus d’entendre les témoins cités par la défense et d’ordonner une expertise médico-légale concernant les allégations de torture. Les noms des victimes que les accusés sont présumés avoir tuées n’ont même pas été mentionnés lors du procès.
Le 27 juillet 2016, la Cour de cassation a cassé le jugement et renvoyé les accusés devant la Cour d’appel de Rabat. Cela constitue une violation du droit international humanitaire (DIH) qui fait obligation à la puissance occupante de détenir et juger les Sahraouis dans le territoire occupé. Les tortures, la détention arbitraire et le procès inéquitable infligés aux accusés sont aussi des violations graves du DIH et devraient faire l’objet d’une enquête immédiate.
Sadek S.