Benbitour : «Le stock des réserves de change sera épuisé en 2020»
L’ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour prédit le pire pour l’Algérie dans trois ans. Cet économiste, qui ne cesse d’alerter sur les mauvais choix économiques depuis plus d’une décennie, assure que l’Algérie n’aura plus aucun sou dans ses caisses en devises en 2020.
«Loin de toute naïveté économique et en toute lucidité dans l’analyse de notre environnement et des projections sur le moyen terme, il s’avère que sur la prochaine décennie, les recettes d’exportation ne couvriront que la moitié des dépenses d’importation de biens, auxquelles il faut ajouter le déficit chronique de la balance des services et le transfert des bénéfices des sociétés étrangères exerçant en Algérie. De fait, le stock de réserves de change sera épuisé en 2020», alerte Ahmed Benbitour dans une tribune publiée aujourd’hui par le quotidien El Watan. Cet économiste affirme que «comme résultante des mauvaises orientations et des décisions dommageables tant économiques que politiques, l’économie algérienne est vulnérable, volatile et fortement dépendante de l’étranger, en particulier en perte de moyens de financement de ses importations de biens de consommation essentiels». «Pour s’en rendre compte, il suffit d’analyser la situation des équilibres financiers extérieurs sur les quatre dernières années. Les recettes des exportations d’hydrocarbures sont tombées de 63 milliards de dollars en 2013 à 27 milliards de dollars en 2016, perdant 57% de leur valeur en quatre ans. En contrepartie, la facture des importations de marchandises est tombée de 55 milliards de dollars en 2013 à 49 milliards de dollars en 2016, enregistrant une perte de valeur de 11% en quatre ans», relève-t-il, soulignant que «c’est une image saisissante de la grande dépendance de l’extérieur et de la vulnérabilité de l’économie algérienne dues, essentiellement, à la mauvaise gouvernance et à l’absence de planification». Ahmed Benbitour précise que cette dépendance de l’importation a eu comme conséquence la ponction sur les réserves en devises accumulées durant la courte embellie financière de 6 milliards de dollars en 2014, 34 milliards de dollars en 2015 et 30 milliards de dollars en 2016.
Ahmed Benbitour estime qu’au vu des indicateurs économiques, le proche avenir de la nation algérienne est plus incertain que jamais. «De l’analyse sereine de la situation économique, sociale et politique de notre pays découle l’avènement d’un danger imminent sur l’avenir de la nation algérienne avec une forte probabilité d’explosion de la rue et ses conséquences sur l’Etat, l’économie et la société», poursuit cet ancien ministre. Pour lui, «la mauvaise gestion du pays apparaît clairement lorsqu’on s’intéresse au classement international de l’Algérie par rapport aux indicateurs de gouvernance : Indice global d’innovation 108e ; stabilité et sécurité politique, 111e ; Etat de droit, 111e ; qualité de la réglementation, 125e ; facilité à obtenir un crédit, 124e ; facilité à démarrer une entreprise, 106e ; sophistication du marché, 122e ; facilité dans la protection des investissements, 124e ; transmission du savoir, 124e ; TIC, 113e… Le moins mauvais classement est la 79e place dans les infrastructures».
Pour Ahmed Benbitour, qui dit ne pas vouloir être alarmiste ni faire peur aux gens, «la nation se trouve dans la situation d’un avion qui a perdu son pilote en plein vol et va fatalement s’écraser au sol, sauf que nous ne savons pas qui va ramasser les morceaux !» Il pointe ainsi du doigt la gouvernance actuelle des affaires de la nation, approximative, hasardeuse, démagogique qui fait que «la population souffre de cinq maux : l’absence de morale collective, la violence qui devient le moyen privilégié de règlement des conflits entre individus, groupes d’individus et groupes et l’Etat, la corruption généralisée, l’indifférence envers l’intérêt commun et le destin national et le fatalisme».
Hani Abdi
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