Contribution – Les adeptes du MAK, les résidus du FIS et la violence circulaire
Par Youcef Benzatat – Les séparatistes du MAK expriment de plus en plus violemment leur hostilité au reste des Algériens sur les réseaux sociaux. Parfois, et même souvent, la nuance entre séparatistes et régionalistes tend à se confondre, tellement les revendications des uns et des autres sont similaires. Que ce soit la langue, l’autonomie régionale ou l’indépendance tout court, celles-ci ne semblent pas se différencier sur le fond. Seule la population de Kabylie qui ne se sent pas concernée par toutes ces revendications et qui éprouve le même sentiment d’appartenance à la nation algérienne que le commun des Algériens, échappe à ce clivage et, par conséquent, ne participe pas à ce sentiment de haine, d’intolérance et de violence, qui se manifeste de plus en plus dangereusement sur les réseaux sociaux. Il y a, chez ces séparatistes, une volonté de provocation à toute occasion d’échanges, qui dégénère systématiquement en violence verbale, allant jusqu’à l’évocation de la menace du recours aux armes.
Cela rappelle curieusement les années de l’ascension du FIS avant son passage à l’acte, qui fera basculer le pays dans la décennie noire, avec son lot de morts, de destructions, de traumatismes et, surtout, du recul préjudiciable de la démocratie.
Si cette violence s’exprime le plus souvent entre eux et le résidu de la mouvance islamiste, encore active et présente en masse sur les réseaux sociaux, les démocrates laïcs qui n’adhèrent ni à un camp ni à l’autre, ne sont pas épargnés par cette violence pour autant.
Ces derniers se distinguent notamment par une conception de «l’algérianité», définie à travers une transculturalité et dont la composante humaine serait métissée. Cette conception de l’identité et de la culture va à l’encontre des deux autres camps ; pour l’un, elle se fonde sur la pureté ethnique et la langue locale et, pour l’autre, à son appartenance au substrat culturel arabo-islamique.
Une situation qui s’apparente à un affrontement en triangulaire entre, d’une part, un nationalisme ethnique et, de l’autre, une idéologie transnationale, face auxquels une partie de la population lutte pour s’en démarquer. Dans cette triangulaire, la violence semble revêtir une forme circulaire ; celle de tous contre tous, qui traverse les trois camps de ce clivage et qui finit par donner une impression de chaos.
Cette situation présente en soi les prémisses d’une confrontation dont les violences qui s’expriment sur les réseaux sociaux constituent les symptômes.
Cette violence diffuse et exacerbée sur les réseaux sociaux n’est, en fait, que la traduction des composantes du champ politique, partis et société civile confondus, dont la classe dite intellectuelle n’échappe pas à ces clivages.
C’est ainsi que l’on observe des affrontements violents entre les «intellectuels» des deux camps les plus radicaux sur la scène médiatique et sur les réseaux sociaux – berbéristes, d’une part, et islamistes de l’autre –, avec, cependant, une certaine retenue – ou plutôt un certain raffinement – dans l’expression de la violence et de la menace directe, notamment le recours aux armes, comme le font les militants des deux camps. A l’exemple de la libération du militant berbériste, Kamel-Eddine Fekhar, qui fut traduite comme une victoire de ces derniers sur le reste de la société et non celle de la justice.
Comme sur les réseaux sociaux, les intellectuels qui justifient leur statut par leur transcendance de ces clivages, contrairement aux intellectuels organiques, berbéristes et islamistes, dont le statut est usurpé, subissent à leur insu cette violence circulaire, même si leur activité est confinée dans les laboratoires de recherche et à travers la publication de leurs résultats. C’est ainsi que les chercheurs en sciences du langage, qui mettent en avant l’intérêt pour la derja (langage courant, ndlr), en tant que langue vivante et façonnée au quotidien par la dynamique d’évolution de la société, sont violemment pris à parti par les adeptes de la pureté de la langue tamazight et celle de la langue arabe.
Si le régime politique dominant sera reconduit tel quel dans l’après-Bouteflika, ces clivages, qui verront leurs tensions s’exacerber inévitablement, seront toujours maîtrisables et contenus par la répression et leur instrumentalisation. Mais ce régime politique est condamné à disparaître tôt ou tard. C’est surtout à sa disparition, par son effondrement dans l’immédiat après-Bouteflika, ou plus tard, à son essoufflement, que la circularité de cette violence apparaîtra au grand jour et s’exacerbera.
La responsabilité de la situation qui en découlera sera entièrement le fait de l’aveuglement de la véritable élite que compte la nation, de leur démission ou de leur laxisme. Elle sera surtout le fait de ceux qui s’autoproclament intellectuels, en usurpant cette qualité et en exerçant le rôle de catalyseurs de la circularité de cette violence au sein des camps qui s’affrontent inconsciemment sur les réseaux sociaux, dans les médias, entre les partis politiques et au sein de la société civile, au quotidien.
Y. B.
(*) Le titre est de la rédaction.
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