Les forces de l’argent
Par Kamel Moulfi – La bataille politique déclenchée par Abdelmadjid Tebboune contre les «forces de l’argent», accusées d’avoir infesté les sphères du pouvoir, va-t-elle incidemment, comme dans un dégât collatéral, emporter le commerce informel ? Ce dernier continue de représenter un des grands défis posés à ceux qui gouvernent le pays, surtout quand il est pratiqué dans la rue, étalant des produits importés frauduleusement, proposés à la vente en dehors de tout circuit légal. Est-il en train de vivre les derniers jours de sa «prospérité» ? Les discours officiels se multiplient sur les transactions commerciales effectuées sans factures, critère numéro un de l’identification de l’informel. Grâce au manque de transparence et de loyauté supposées régner sur les marchés, leur montant a approché les 69 milliards de dinars, de janvier à juin 2017.
Il n’y a pas que dans les rues que les caractéristiques de l’informel peuvent être observées, les espaces commerciaux destinés à la vente de produits alimentaires frais semblent dispensés de l’affichage des prix, comme s’il était facultatif, ce qui laisse penser que les factures sont également absentes. Il est impensable que tous ces acteurs de l’informel, à ses divers niveaux et dans différents domaines, se limitent à leurs activités commerciales illicites sans prolongement dans le champ politique.
Si, dans les années 1980, ils apparaissaient comme la base économique et sociale de l’islamisme, leur couleur politique reste aujourd’hui, dans les luttes en cours, plutôt imprécise. Font-ils partie des «forces de l’argent» ciblées par Tebboune ? Ou, au contraire, peuvent-ils se prêter à une «récupération» par le pouvoir ? La dimension prise par le commerce informel lui donne-t-il un poids aussi lourd qu’il se trouverait propulsé dans le champ des luttes politiques, en réaction aux mesures fiscales, en apparence purement économiques, qui le viseraient ? Tous les chiffres indiquent que les acteurs de l’informel possèdent, en dehors des banques, les dinars dont a besoin le gouvernement pour faire fonctionner les rouages du pays. Va-t-il coopérer ? Sinon, que fera le Premier ministre ?
K. M.
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