Ah, si le martyr…

Algérie, Ben M’hidi
Des jeunes manifestent à Alger. Les martyrs envisageaient l'après-indépendance autrement... New Press

Par Kamel Moulfi – «Je voudrais être soumis à ces tortures pour être sûr que cette misérable chair ne me trahisse pas. J’ai la hantise de voir se réaliser mon plus cher désir car, lorsque nous serons libres, il se passera des choses terribles. On oubliera toutes les souffrances de notre peuple pour se disputer des places. Nous sommes en pleine guerre, et certains y pensent déjà, des clans se forment. A Tunis, tout ne va pas pour le mieux, oui, j’aimerais mourir au combat avant la fin», avait dit un valeureux martyr de la glorieuse Révolution. Il savait, avant de mourir, ce qui allait se passer après l’indépendance qu’il ne voulait pas voir, préférant mourir au combat.

Les paroles qu’il a laissées étaient prémonitoires comme le prouve la dérive qui a suivi l’indépendance et qui a conduit le pays à la situation actuelle. Il avait, certainement, eu à connaître les déboires et méfaits qui avaient commencé à toucher la Révolution avant l’indépendance. Ils se sont aggravés depuis.

Son rêve, comme celui de tous ces héros morts en martyrs, était de voir une Algérie libérée, indépendante, souveraine, bâtie sur le socle de la justice sociale dont étaient totalement privés les Algériens dans leur grande majorité. Leur seule consolation, oserait-on dire, est de n’avoir pas subi le supplice supplémentaire de voir que la Révolution finit toujours, et partout, par dévorer ses propres enfants.

Ce n’est un secret pour personne, le projet de société cohérent qui a nourri la flamme patriotique des chouhada qui voulaient le voir construit après l’indépendance est encore très loin. Un simple coup d’œil sur les faits quotidiens, en vrac, l’atteste : la jeune élite vouée à l’exil et une grande masse de jeunes tentés par la harga au risque mortel très élevé ; la population traitée avec mépris comme si elle était indigne de respect ; la population, de son côté, montrant des signes d’indifférence et d’apathie, voire de rejet, y compris dans les situations qui lui sont immédiatement profitables ; l’argent sale partout dominant quasiment tous les espaces en accompagnement d’une économie informelle qui fait la prospérité de délinquants tolérés ; une Université gangrenée où la vie intellectuelle et scientifique se meurt ; des hôpitaux assimilés à de simples mouroirs ; une classe politique discréditée faite d’appareils coupés de la population et préoccupés par la course aux postes synonymes de privilèges ; des élections systématiquement entachées du soupçon de fraude…

Le martyr avait vu venir tout cela. Aurait-il pu changer les choses s’il avait survécu ?

K. M.

Comment (6)

    MELLO
    27 juillet 2017 - 14 h 53 min

    Je me permets d’emprunter à un ami, ce témoignage fort éloquent.
    – Hier, tard dans la soirée, Nana Ouiza m’a appelé plus d’une dizaine de fois au téléphone. Et à chaque fois, elle me lançait la même menace: « Si tu ne viens pas, je vais t’étrangler. »
    Il était à peine dix heures lorsque je suis arrivé à Ighil Imoula. Sur place, je trouve Nana Ouiza en train de m’attendre en présence de journalistes de Canal Algérie-A3, de l’APS, de la radio chaine II et chaine III… et l’association Mechâal Echahid…J’étais soulagé de la voir qu’elle ne souffrait pas. Hormis son arthrose, elle est solide comme le chêne du Djurdjura. Et dire que durant tout le trajet je me suis imaginé les pires scénarios…
    « Viens t’asseoir près de moi, j’ai envie de sentir l’odeur d’Ali », me dit elle avec un sourire dont elle est la seule a avoir le secret. Et d’ajouter:  » Aujourd’hui, j’ai envie de leur dire ce que je pense de nos dirigeants. »
    Non, Na Ouiza, pas aujourd’hui, il faut choisir un autre jour, lui ai-je recommandé.
    « Tais toi et laisse moi parler, je veux vider tout ce que j’ai sur le cœur. »
    Elle a longtemps parler de son époux Ali Zamoum, de Abane, de Boudiaf, de Krim, de Ben M’hidi, de Bitat, d’Ait Ahmed, de Zabana (Zahana), de Ouamrane, de Si Salah, des Mohammedi, de Ben Boulaid, de Ben Ramdani, de Idir,de Med Laichaoui, des Marocains, des Tunisiens, des jeunes militants Oranais et Constantinois; elle a aussi longuement parlé des ces f’houla des chaouias et des gens du Sud…
    « On était tous comme une famille; on était toutes des sœurs et tous des frères », explique t-elle. Et d’ajouter avec tristesse et regret: « Mais les choses semblent avoir changer aujourd’hui…On se souvient de l’Algérie qu’une fois par an, alors que les gens qui la torpillent et la rendent malade le font chaque jour. »
    Le journaliste de Canal Algérie me fixe dans les yeux, mais je ne pouvais rien dire.
    Nana Ouiza est une grande dame. J’avais peur qu’elle ne remette sur le tapis, devant la presse, les rivalités du village Ighil Imoula ou qu’elle déraille sous le poids de la solitude…Mais non, elle nous a juste rappelé à toutes et à tous ce qu’être patriote veut dire, ce qu’être militant veut dire.

    SamyD
    25 juillet 2017 - 15 h 59 min

    L’argent sale transféré en Espagne?

    Abou Stroff
    25 juillet 2017 - 13 h 32 min

    « Ah, si le martyr… » titre K. M.. ce colossal pessimisme ne doit pas être de mise.
    en effet, grâce à la politique éclairée de notre bienaimé fakhamatouhou national, l’Algérie et les algériens sont en train de de faire de grands pas en avant vers le développement global.
    d’ailleurs, notre bienaimé fakhamatouhou n’a t il pas pris la décision d’écarter tous les prédateurs qui se sont sucrés depuis son arrivée comme fakhamatouhou national en 1999? moralité de l’histoire: il n’y a pas lieu d’afficher un quelconque pessimisme. (…)

    ABDEL
    25 juillet 2017 - 10 h 45 min

    IL FAUT AJOUTER a cela la transformation de ce peuple en un peuple d’assistés, d’ou la stagnation économique,car rien n »est produit et tout est importé. Et a chaque fois que ce peuple relève la tete,on lui donne de l’huile et de la farine… quel mépris!!!!

    Elyas55
    25 juillet 2017 - 9 h 11 min

    J’aimerai consulter ces archives d’où vous tirez ces déclarations anté-mortem ! Des sources ? des références ?

    BEKADDOUR
    25 juillet 2017 - 8 h 34 min

    « Larbi Ben M’hidi avait vu venir tout cela. Aurait-il pu changer les choses s’il avait survécu ? » : Je crois avoir assez vécu de cette Indépendance pour avoir de quoi contribuer à la réponse, hélas complexe. LA LOI nous autorise-t-elle à débattre ENTRE NOUS ? Si c’est non, alors nous sommes toujours sous le joug d’un ennemi qui ne dit pas son nom!
    BHL Le Juif natif de Beni Saf, Le Juif El Kabbache natif de WAHRAN, l’animateur TALENTUEUX de la Bibliothèque Médicis ?
    Soyons juste sérieux avec notre condition humaine (« La condition humaine », Malraux), c’est Le Créateur qui abaisse ou élève, nous sommes ses élèves ET ses sujets, Il est Le Seul Monarque.
    Nous vivons l’étape CRITIQUE (Voir le sens du mot !), l’après Bouteflika sera critique. Nous réussissons ou nous échouons; en cas d’échec, normal que BHL boive un pastis à Beni Saf ! En cas de succès, il ne boira que de l’eau, peut-être l’eau du dessalement de la Méditerranée !
    En 1962, au résultat de la ridicule « mission civilisatrice » au nom de la France, nous étions abaissés, avilis, et Larbi Ben M’Hidi avait compris que la construction d’un état ne sera pas possible avec des êtres incultes, illettrés, ignares. Sauf que là en 2017, sincèrement, objectivement, il y a le potentiel pour le salut DÉFINITIF, la mise sur rail du Train…
    NON, Larbi Ben M’Hidi n’aurait pu faire au mieux que ce qu’a fait UN BOUMEDIENE, semer, patienter, se sacrifier, Boumédiène est mort lui aussi, Bouteflika mourra, nous mourrons, l’essentiel est que Larbi repose en paix, il a gagné le repos ETERNEL!
    Gagnons-le à notre tour, en cultivant le souci du parfait.

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