Fischer : «L’Arabie Saoudite et l’Iran se livreront une guerre sans merci»
L’ancien ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier allemand de 1998 à 2005, Joschka Fischer, est persuadé que le Moyen Orient sera dans un proche avenir plongé dans un profond chaos. Ce désordre sera, selon lui, provoqué par une guerre de leadership sans merci que se livreront l’Arabie Saoudite et l’Iran.
Dans une tribune publiée cette semaine dans la presse allemande, celui qui a dirigé le Parti Vert allemand pendant près de 20 ans s’est dit ainsi convaincu qu’«après la disparition de (Daech), le prochain chapitre de l’histoire du Moyen-Orient sera déterminé par l’affrontement direct et ouvert entre l’Arabie Saoudite sunnite et l’Iran chiite pour la prédominance régionale».
Joschka Fischer attire l’attention sur le fait que les Etats-Unis et la Russie, les deux puissances mondiales actives dans la région, se sont déjà clairement positionnées dans ce conflit. Les Etats-Unis, explique-t-il, sont clairement dans le camp de l’Arabie Saoudite, alors que la Russie s’est rangée dans le camp de l’Iran.
L’ancien responsable allemand souligne que jusqu’à présent, ce conflit larvé s’est poursuivi clandestinement et la plupart du temps par procuration. Ce qui ne devrait plus être le cas bientôt. Pour lui, les signes d’une future confrontation directe entre l’Arabie Saoudite et l’Iran sont déjà visibles. Cette confrontation, indique-t-il, vient d’atteindre son premier point critique potentiel avec le blocus imposé par l’Arabie Saoudite et ses quatre alliés sunnites au Qatar, en partie en raison des étroites relations du Qatar avec l’Iran.
Fischer précise que «toute confrontation militaire directe avec l’Iran risquerait bien entendu d’embraser la région, à une échelle bien supérieure à toutes les guerres du Moyen-Orient», avertissant qu’avec le feu qui couve encore en Syrie et un Irak affaibli par les luttes sectaires pour le pouvoir, Daech ou l’incarnation de son successeur risque de rester en place.
Selon lui, l’autre facteur déstabilisant est la réouverture de la «question kurde». L’ancien ministre des Affaires étrangères allemand rappelle à ce propos que les Kurdes, un peuple sans Etat, ont fait leurs preuves en tant que combattants contre Daech et veulent utiliser leur nouveau poids militaire et politique pour avancer vers l’autonomie, voire vers un Etat indépendant.
Aussi, insiste Joschka Fischer, «pour les pays touchés, d’abord et avant tout la Turquie, mais également la Syrie, l’Irak et l’Iran, cette question est un casus belli potentiel, parce qu’elle touche à leur intégrité territoriale». L’ancien vice-chancelier allemand indique que «compte tenu de ces questions non résolues et de l’escalade du conflit hégémonique entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, le prochain chapitre de l’histoire de la région promet d’être tout sauf paisible».
Sadek Sahraoui
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