La France veut éjecter l’UA du règlement de la crise libyenne
Tous les observateurs l’auront relevé : l’Union africaine (UA) n’a pas été invitée à assister à la rencontre qui a réuni en juillet à La Celle-Saint-Cloud le président du Conseil présidentiel libyen, Fayez Al-Sarraj, et le commandant de l’Armée nationale libyenne, le maréchal Khalifa Haftar. Pourquoi ? Le magazine Jeune Afrique – connu pour sa grande proximité avec les milieux décisionnels français – croit savoir que l’Elysée veut garder l’organisation panafricaine à l’écart du règlement de la crise libyenne.
Dans un article publié aujourd’hui sur son site internet, Jeune Afrique soutient à ce propos que la mise à l’écart du comité de l’UA n’est pas fortuite. Un proche du président Macron a ainsi confié à l’hebdomadaire que «pour la France, la solution de la crise libyenne ne passe pas par Denis Sassou Nguesso», président du comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye. La même source révèle que Denis Sassou Nguesso n’a même pas été prévenu par le gouvernement français de la rencontre entre les deux protagonistes de la crise libyenne.
«Non, le président Sassou n’a pas été informé par le président Macron, mais nous avons appris ce qui se tramait par divers canaux diplomatiques», a confié à Jeune Afrique un «dignitaire» du Congo-Brazzaville avec amertume. Bien que reconnaissant que «cet accord est une étape positive», le même dignitaire avertira cependant qu’«il ne va pas tout régler d’un coup de baguette magique. Les chefs de tribu n’étaient pas présents et la ville de Misrata échappe à tout contrôle».
Il n’y a pas que l’Union africaine que la France a court-circuitée. L’Italie aussi s’était agacée d’avoir été mise de côté. Les médias italiens s’étaient d’ailleurs indignés de cet isolement de leur pays, pourtant directement touché par la crise en Libye. Dans les colonnes de La Stampa, l’ambassadeur Stefano Stefanini avait évoqué une «douche froide pour Rome». Le journaliste reconnu Bruno Vespa s’était indigné, pour sa part, sur Twitter : «La France rejette les migrants et veut prendre tous les rôles dans la crise libyenne, déclenchée par la France.» Et d’appeler Paolo Gentiloni, le président du Conseil italien, et Angelino Alfano, le ministre des Affaires étrangères, à «se soulever».
La première des raisons est que le pays du nord de l’Afrique est une ancienne colonie italienne. De plus, la France est pointée du doigt dans les origines de la crise en Libye. L’intervention armée a été lancée sous l’impulsion de Paris. Le pays est depuis devenu la plaque tournante des trafics d’armes et d’êtres humains. Il est notamment le premier port de départ des migrants syriens, irakiens ou encore érythréens. La Libye est devenue une terre propice à l’implantation de groupes terroristes. Des groupes terroristes qui constituent d’abord une menace pour l’Italie. Mais le souci premier de Rome n’est pas là. Sa plus grande crainte est de perdre sa part du gâteau libyen.
Sadek Sahraoui
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