L’Ibahri rappelle au Maroc son obligation d’enquêter sur les cas de tortures de Sahraouis
Alors que plus d’une vingtaine de militants sahraouis sont emprisonnés au Maroc, certains affirmant que les éléments de preuves présentés au procès ont été obtenus par la torture, l’Institut des droits de l’Homme de l’Association internationale du barreau (Ibahri), basé à Londres, rappelle à ce pays son engagement international à enquêter sur plusieurs incidents suspects au cours desquels des personnes déclarent avoir été soumises à des souffrances importantes pour les obliger à «avouer», voire à impliquer d’autres personnes dans des activités illégales.
L’ambassadeur (retraité) Hans Corell, coprésident de l’Ibahri, a déclaré à ce sujet : «Le Maroc ayant ratifié en 1993 la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’Ibahri rappelle aux autorités du pays leur obligation de veiller à ce qu’une enquête impartiale soit menée immédiatement chaque fois qu’il existe des raisons raisonnables de penser qu’un acte de torture a été commis dans leur pays. Le cas très inquiétant des militants sahraouis, dont certains sont menacés d’emprisonnement à vie après un procès pourtant entaché d’irrégularités procédurales, constitue indéniablement une situation qui exige que soit réalisée une telle enquête. En sa qualité d’Etat signataire de la convention, le Maroc est tenu d’enquêter à ce sujet, même en l’absence de plaintes de la part des victimes. En outre, la convention stipule que tout élément de preuve obtenu sous la torture est irrecevable devant les tribunaux. Il est clair que, dans le cas de ces accusés, le Maroc a manqué à ses obligations.»
Les militants sahraouis, également connus sous le nom de «groupe Gdeim Izik», avaient été jugés par un tribunal militaire en 2013 et condamnés à de lourdes peines à la suite d’affrontements avec les forces de sécurité en 2010, lors du démantèlement du camp de protestation Gdeim Izik, au Sahara Occidental. Ce camp avait été créé dans le cadre d’un différend territorial de longue date entre le Maroc et sa population sahraouie autochtone, représentée par le Front Polisario.
En 2016, la cour de cassation, la plus haute instance de justice du Maroc, a ordonné que les militants soient de nouveau jugés devant la chambre d’appel de la cour d’appel de Rabat à la suite d’un amendement de la loi de justice militaire du Maroc qui mettait fin à la comparution de civils devant des tribunaux militaires. Ingrid Metton et Olfa Ouled, deux avocats de la défense, se sont toutefois vu refuser l’entrée au tribunal.
Le nouveau procès devant la cour d’appel de Rabat a, pour l’essentiel, reconduit les sentences prononcées précédemment, condamnant huit des accusés à la réclusion à perpétuité. Comme dans le procès militaire antérieur, le tribunal civil n’a pas mené d’enquête sérieuse sur les allégations visant les accusés, qui affirment que leurs aveux leurs ont été soutirés sous la torture. Des examens médicaux ont été réalisés pour vérifier les allégations de torture des accusés, mais sept ans après les actes de torture présumés.
L’ambassadeur Corell ajoute : «Le recours à la torture n’est jamais justifiable. Faute de traiter rapidement et avec toute l’attention qu’elles méritent ces allégations de torture, les autorités marocaines légitiment dans les faits la violation d’un droit considéré de longue date comme non dérogeable.»
De Londres, Boudjemaa Selimia