L’ambassadeur du Qatar à Alger : «Nous n’expulserons pas Al-Qaradawi !»
Dans un long entretien accordé à Echorouk, quotidien arabophone proche des Frères musulmans, l’ambassadeur qatari en Algérie, Ibrahim Ben Abdelaziz Sahlawi, a évoqué le conflit qui oppose le Qatar à un groupe de pays arabes et musulmans emmenés par l’Arabie Saoudite et dont le noyau d’origine est formé principalement des Emirats arabes unis, de l’Egypte et de Bahreïn.
Dans son introduction à l’entretien, Echorouk prend ouvertement partie pour le Qatar. Il insiste sur le côté «immoral et inhumain» des treize exigences posées par les quatre pays arabes, à travers leur impact qui «sépare les époux», et les assimile à une «punition collective du peuple qatari, par la privation de son droit à la omra et la limitation du nombre admis pour le hadj».
L’ambassadeur laisse entendre que les personnes concernées par les exigences saoudiennes ne seront pas expulsées du Qatar, ni Youssef Al-Qaradawi, dont il fait savoir qu’il est un citoyen qatari depuis les années cinquante, ni les dirigeants et militants du mouvement palestinien Hamas, qui bénéficient des «principes de l’hospitalité et de secours accordés aux opprimés». Il regrette que «les Arabes aient atteint un stade où ils qualifient la résistance palestinienne de terrorisme».
Sur le conflit lui-même, l’ambassadeur qatari en Algérie ne veut pas impliquer Donald Trump. Il refuse de faire le lien entre la visite de ce dernier à Riyad pour le sommet islamo-américain tenu en mai, et l’initiative prise par l’Arabie Saoudite et ses alliés de rompre les relations diplomatiques avec le Qatar. Il répète la thèse officielle qatarie qui explique l’action saoudienne par la volonté des Al-Saoud de mettre sous tutelle le Qatar et d’interférer dans ses affaires intérieures et dans sa politique étrangère, «indépendante», selon ses dires. Il met en exergue le rôle particulièrement hostile des Emirats arabes unis et confirme, au passage, que le piratage électronique de l’agence qatarie d’information pour la diffusion du fameux message – qu’il présente comme faux – de l’émir a pour origine l’émirat d’Abou Dhabi, qui fait partie des Emirats arabes unis.
De la même façon, l’ambassadeur exclut tout lien entre la présence de bases étrangères – américaine et turque – au Qatar et le conflit avec l’Arabie Saoudite et ses alliés, mais il reconnaît que ces bases permettent de protéger son pays. A ce propos, il affirme que le Qatar est un pays pacifique, faisant mine d’ignorer que la base américaine d’Al-Udeid sert la politique d’agression des Etats-Unis dans la région. Ses justifications de la participation du Qatar dans les guerres de déstabilisation menées contre la Libye et la Syrie ne sont pas crédibles et ne résistent pas face aux faits réels.
L’ambassadeur qatari en Algérie fait une lecture singulière de la situation dans laquelle se trouve le Qatar. A le croire, «le blocus a eu un effet inverse à celui attendu par ceux qui l’ont imposé». Il aurait même été bénéfique en poussant le Qatar à «construire une économie indépendante et à protéger sa sécurité en renforçant ses relations avec les pays du monde entier sur la base des intérêts communs et du respect mutuel», allusion sans doute aux relations avec l’Iran, mais aussi la Russie. En référence implicite à une éventuelle exclusion du Conseil de coopération du Golfe (CCG), il annonce l’intention de son pays de «trouver des alternatives pour parvenir à son indépendance dans tous les domaines et se débarrasser de la dépendance, afin de s’immuniser contre tout chantage à l’avenir».
Il déplore, toutefois, le fait que l’Arabie Saoudite mêle les questions religieuses aux questions politiques en empêchant les Qataris d’effectuer la omra et en leur imposant des restrictions pour le rituel du hadj.
Il estime que les pays qui ont lancé le blocus contre Doha sont en pleine déconfiture et sont contraints de réviser à la baisse leurs exigences du fait de leur illégalité. Il cite l’Organisation internationale de l’aviation civile qui a rejeté, selon lui, pour cause d’illégalité, les tentatives de bloquer la fermeture des corridors internationaux au Qatar.
Enfin, l’ambassadeur est tout miel quand il s’agit pour lui de parler de l’Algérie, dont il reconnaît les compétences en matière de médiation dans les conflits interarabes.
Houari Achouri
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