Benachenhou dénonce le pillage de l’économie sous prétexte de libéralisation
L’ancien ministre de l’Economie, le docteur Mourad Benachenhou, a démythifié le classement mondial de l’économie algérienne en fonction de son Produit intérieur brut (PIB) tiré exclusivement de ses exportations en hydrocarbures, en expliquant que si le pays venait à être classé selon ses exportations hors hydrocarbures et dérivés d’hydrocarbures, il serait probablement au même niveau que le Népal (qui est un des pays les plus pauvres au monde). Il a également pointé le pillage en règle de l’économie algérienne, ces quinze dernières années, sous l’étendard de la libéralisation.
Sous le titre «Privatisation ou “pillardisation” de l’économie algérienne ?» Benachenhou voit, dans une contribution publiée dans le Quotidien d’Oran du mercredi 2 août, que dans le classement mondial des économies, «les différences en termes de maîtrise technologique, de diversification de la production nationale comme de la composition des exportations sont totalement effacées». «Les tentatives de calculer un produit intérieur brut hors hydrocarbures sont à la fois inutiles et dangereuses car elles laisseraient croire qu’en l’absence des hydrocarbures, l’économie algérienne pourrait garder son même produit national brut et son même classement, ce qui est loin de la réalité du terrain», note-t-il. Il indique que si le classement était affiné, «l’Algérie se retrouverait au même rang que le Népal, considéré comme l’un des pays les plus pauvres au monde, placé au 105e rang, en termes de PIB et au 151e rang en termes d’exportations», explique-t-il.
L’ouverture de l’économie algérienne sur le monde, officiellement depuis 1988, devait permettre la diversification de l’économie, une diversification de ses exportations de biens et services et briser le quasi-monopole des hydrocarbures comme sources de devises, moteurs de l’économie du pays, écrit Benachenhou. Cependant, note-t-il, «le processus de « privatisation » de l’économie a abouti, paradoxalement et contrairement aux annonces proclamées par les “politiques” à l’exacerbation de la dépendance, tant à l’égard des hydrocarbures qu’à l’égard des importations de biens et services», «le tout financé exclusivement par les devises provenant des exportations d’hydrocarbures».
Selon l’analyste, cette libéralisation «a donné lieu à la création d’une race “d’entrepreneurs” aux antipodes du modèle “shumpétérien” attendu, de rapaces en costume et cravate (…) qui ont exploité, et continuent à exploiter, toutes les déficiences structurelles et administratives du mode de gestion des deniers publics», a-t-il indiqué. «La situation créée par une politique d’ouverture économique désordonnée et, plus ou moins fruit de l’improvisation du moment et suivant les circonstances politiques en cours, a abouti à la “pillardisation” de l’économie algérienne qui a été livrée à des pillards imaginatifs, sans aucun doute bénéficiant d’appuis plus ou moins occultes (…) et qui commencent même à s’essayer à la politique étrangère pour défendre leur fortune mal acquise», ajoute-t-il.
Pour Dr Benachenhou, «une défense nationale forte commence, il faut le souligner, par l’assainissement de l’économie et sa transformation en une économie de production, non de distribution et de pillage». Il regrette de ne pas voir une «démarche cohérente» dans la correction de cette «politique folle» de la part des autorités publiques. Les autorités continuent à «agir au coup par coup», à «improviser» et «à prendre des demi-mesures qui ne font que rendre la situation encore plus compliquée», dit-il.
Dr Benachenhou s’interroge enfin si le Premier ministre – qui a l’initiative de l’action gouvernementale, même si cela n’est pas dit avec suffisamment de clarté –, dans la Constitution amendée de 2016, est vraiment totalement maître de ses initiatives, quelles que soient la bonne volonté et la fermeté qu’il puisse démontrer pour mettre fin à ce processus de pillage généralisé qu’a enclenché l’ouverture de l’économie.
Ramdane Yacine
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