Qu’est-ce que le capitalisme ?
Par Lhadi – Le capitalisme n’est pas un rapport social, un rapport de production opposant ceux qui organisent le travail à ceux dont le travail est organisé. Le terme désigne la propriété privée des moyens de production et, par conséquen, un mode de développement commandé par l’initiative privée d’entrepreneurs. Symétriquement, le socialisme n’est pas davantage un rapport social mais un mode de développement dirigé par un Etat planificateur qui s’est assuré de la propriété collective des moyens de production.
Une conséquence immédiate de ces distinctions est que l’on peut parler de société industrielle aussi bien à propos de pays capitalistes que de pays socialistes. Mieux encore, l’analyse sociologique des rapports de production dans l’un et l’autre cas montre, au niveau de base de l’atelier ou de l’usine, de grandes similitudes. Lénine, parvenu au pouvoir, fut aussi l’un de ceux qui introduisirent en Union soviétique les principes de rationalisation dans l’organisation du travail, et il est connu qu’il fut un grand admirateur de Frederich W. Taylor.
L’ouvrier de la métallurgie dans les pays de l’Est est soumis à une organisation du travail comparable à celle de son homologue en Europe occidentale ou aux Etats-Unis, et sa conscience proprement sociale n’est pas fondamentalement différente. Le mouvement Solidarnosc, en Pologne, n’a pas seulement lutté pour l’instauration de droits politiques et, au nom d’un certain nationalisme polonais, il a aussi été porté par une classe ouvrière semblable à celle que l’on rencontre dans d’autres sociétés industrielles capitalistes.
Est-ce à dire que les acteurs sociaux, définis par leurs conflits dans les rapports de production, sont étrangers au développement, que les maîtres du travail n’ont rien à voir avec le capitalisme, défini comme un mode de développement ou que le mouvement ouvrier est totalement différent de l’action politique pour le socialisme, ou du contrôle des Etats dits socialistes. Bien évidemment, non. D’abord, parce que l’indépendance des acteurs sociaux et de l’Etat n’est jamais absolue. Les acteurs dirigeants sont aussi des acteurs dominants, et la reproduction de leur position sociale passe par l’intervention de l’Etat, garant de l’ordre, agent de cohésion de la structure sociale. Les acteurs contestataires, symétriquement, en appellent simultanément au contrôle du progrès et de l’industrie, à la direction de l’accumulation et à celle de l’Etat. Ils ne peuvent être indifférents à un contrepouvoir qui, sous le nom de socialisme, leur promet la direction politique de l’historicité. Le socialisme n’est pas seulement un mode d’intervention économique de l’Etat qui supprime, en théorie, le rôle de l’initiative privée ; il est aussi le prolongement utopique de l’action ouvrière depuis l’atelier et l’usine jusqu’au sommet de l’Etat.
Une seconde conséquence des remarques qui précèdent est de rendre absurde l’idée que le socialisme succède nécessairement au capitalisme une fois celui-ci parvenu à épuisement ou à maturité. L’un comme l’autre sont deux modes de développement et, plus précisément, mais pas toujours, deux voies pour l’industrialisation, deux formes politiques qui correspondent éventuellement à un même type de société, industrielle, mais aussi peuvent n’avoir rien à voir avec elle puisqu’il existe des régimes capitalistes ou socialistes sans industrie, sans entrepreneurs industriels, ni classe ouvrière.
A ce propos, le syndicalisme d’encadrement, miroir du système politique algérien, est un élément du système économique planifié.
En effet, ce qui caractérise le syndicalisme d’encadrement par rapport au syndicalisme libéral, ce sont les liens étroits avec le pouvoir politique. Le syndicalisme libéral est indépendant de l’Etat et du patronat, tandis que le syndicalisme d’encadrement, au contraire, bénéficie d’emblée d’un statut officiel et même du monopole de l’organisation professionnelle afin de remplir les tâches que lui fixe l’Etat. C’est un organe de participation à l’intérieur de l’appareil étatique, ce qui le caractérise en termes d’agent d’une politique économique centralisée.
L.
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