L’argent, parlons-en !
«Il faut des dizaines de Tahkout et de Haddad», avons-nous écrit dans un de nos articles hier. Des amis lecteurs n’en revenaient pas que nous eussions commis un tel blasphème, nous qui avons toujours dénoncé la corruption et la collusion de plus en plus apparente ces dernières années entre la politique et l’argent.
La vérité doit être dite : nous sommes tous coupables de cet état de déliquescence généralisé qui s’est abattu sur ce pays que nous ont légué nos vaillants martyrs.
D’abord, le pouvoir en place qui a joué sur la fibre sociale depuis son avènement, encourageant les Algériens à la flemmardise et à l’assistanat, distribuant la rente à tort et à travers sans aucun résultat probant en retour, monopolisant la décision jusqu’à étouffer toute voix discordante et exclure toute opinion dissemblable. De fausses solutions en mauvais choix, les gouvernements successifs ont fait perdre à l’Algérie un temps précieux dont les Algériens paieront le prix cher dans les années à venir s’ils ne redressent pas la barre.
Imprégnée par l’esprit revendicatif, exigeant toujours plus sans se sentir aucunement redevable envers son pays, une bonne partie d’Algériens a, elle, désappris à travailler, c’est-à-dire à s’impliquer consciencieusement dans la mission dévolue à tout un chacun. «Mangez, buvez et amusez-vous, les caisses sont pleines !», aimait à répéter l’amuseur Sellal aux jeunes. Et les jeunes l’ont pris au mot, les uns cramant les pneus, les autres écrémant l’Ansej.
Que d’erreurs ont été commises sans que nous ayons agi – tous ensemble – sur le terrain pour faire en sorte que l’Algérie ne connaisse pas cette ruine morale qui a fait oublier jusqu’aux principes fondateurs de la nation.
Qu’avons-nous fait pour que les Haddad et les Tahkout n’existent pas de la manière dont ils ont été enfantés par un système distors ? Nous avons laissé se répandre une culture de la rapine et avons tourné le dos à la politique, abandonnant le terrain aux prédateurs qui se sont servis dans nos propres poches sans que nous les eussions empêchés, sinon par lâcheté, du moins par une apathie honteuse. Nous avons crié au loup et, dans notre désarroi face au pillage, nous avons jeté le bébé avec l’eau du bain, mettant sur un même pied d’égalité les opportunistes habiles et les entrepreneurs honnêtes ; les parvenus et les bûcheurs.
Ne sont-ce pas le statut général des travailleurs – le fameux SGT – et l’article 120 qui ont tué l’envie du travail chez l’Algérien, sous «l’éclairée» conduite d’un certain Abdelhamid Brahimi ? Le Premier ministre de Chadli avait relevé sa politique fainéantisante avec son histoire – à dormir debout – des 26 milliards de dollars qui auraient été détournés, jetant un voile de suspicion autour de tout Algérien qui voudrait se détacher de la logique rentière régnante et se mettre à son compte pour créer sa propre richesse.
A la volonté de travailler a été substituée une propension à la nonchalance ; celle-là même qui nous a laissé faire sans que nous bougions le petit doigt, méprisant la chose politique que nous avons offerte sur un plateau d’argent à ceux qui ont en bien voulu et qui en ont fait une fin et non un moyen pour défendre des idéaux et faire avancer le pays.
Ne confondons pas tout, car de la confusion résulte l’injustice et de l’injustice émane le désordre. Entreprendre n’est pas voler. Gagner de l’argent à la sueur de son front n’est pas piller. Tout riche n’est pas coupable et tout pauvre n’est pas innocent.
Cessons donc de nous lamenter sur notre sort et remettons-nous au travail, militons au sein des partis, bourrons les urnes avec nos bulletins, imposons nos voix, créons la richesse, multiplions les entreprises respectueuses des lois de la République et de l’éthique, veillons à ce que nous soyons tous égaux devant la justice, ne laissons pas le champ libre aux scélérats et aux prébendiers !
M. Aït Amara
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