Quand les démocrates Sadi et Boukrouh s’insultent et s’offrent en spectacle
Noureddine Boukrouh attaque, Saïd Sadi contre-attaque. Ces deux hommes s’accrochent sur des faits qui ont marqué la décennie 1990. Noureddine Boukrouh a accusé, sur support médiatique électronique, Saïd Sadi d’être «un affidé de Ben Bella, un avorteur du bloc démocratique, un inspirateur des initiatives du FIS qui ont mené aux premiers morts, à la proclamation de l’état d’urgence, à la destitution de Hamrouche, à l’arrestation d’Abassi Madani et Belhadj, à l’arrêt du processus électoral, à la décennie noire», tel que rapporté par l’ancien président du RCD.
Saïd Sadi évoque, entre autres, une «contrevérité (…) qui procède bien de l’intention délibérée de frelater, par le mensonge, une des séquences les plus douloureuses de l’Algérie indépendante : nous sommes bien face à un acte sacrilège». Saïd Sadi répond également aux propos de Boukrouh qui s’appuie sur des témoins encore en vie, en assurant que dans cette affaire, ce n’était pas parole contre parole, celle de Sadi contre celle de Boukrouh, car «la rencontre en question n’a pas eu lieu de nuit, dans quelque forêt ou dans le désert, mais en plein jour, au siège du PRA où étaient présents plusieurs responsables en raison des événements…». «On retiendra le recours à la profusion de lieux improbables pour égarer le sujet. La question n’est pas de savoir si j’ai rencontré un jour Boukrouh mais bien de vérifier la réalité du sujet qu’il évoque : nous avoir appelés, séparément, feu Mahdfoud Nahnah et moi-même pour nous demander, en aparté, de nous retirer du scrutin présidentiel. Et dans ce film de série B, on serait malheureusement restés dans l’impasse du « parole contre parole » si sa faconde ne l’avait pas trahi», soutient Sadi qui répond également aux déclarations de Boukrouh selon lesquelles il aurait demandé à voir Liamine Zeroual à propos de sa candidature à la présidentielle pour lui dire face à face… ce qu’il pensait de sa décision.
«De retour à mon bureau, précise Boukrouh, j’ai appelé les deux autres candidats en lice, feu Mahfoud Nahnah et Saïd Sadi… Ils sont venus séparément à mon bureau, je leur ai rapporté l’entretien que je venais d’avoir avec Zeroual et leur ai proposé de nous retirer ensemble de l’élection. Après de longues et vaines discussions, ils ont refusé.» Pour Sadi, «il va donc falloir mettre en relief les saillies des informations avancées par le concerné lui-même qui permettront à chacun de se faire sa propre opinion sur ce qu’est la vérité formelle».
Saïd Sadi considère que «sortir du bureau du chef de l’Etat et décider, sur le champ, de renoncer à une élection présidentielle en associant, séparément, deux concurrents est, pour le moins, précipité». Il explique que la candidature à la présidentielle n’est pas une décision individuelle. Et tout renoncement doit passer par «celles et ceux qui ont œuvré avec nous jour et nuit pour concourir dans cette compétition, chacun, d’ailleurs, étant animé par des raisons multiples et diverses, compte tenu du contexte tragique qui prévalait dans le pays et que chaque candidat appréciait selon ses convictions et objectifs».
Aussi, pour Sadi, «il suffit de réentendre les propos de Boukrouh tenus pendant la campagne pour voir un homme pourfendant ses adversaires avec une assurance, voire une virulence qui n’avait rien à voir avec l’esprit d’un candidat dépité, avançant l’épée dans les reins». «On avait alors appris que Zeroual appartenait à une catégorie de djouhala, que Nahnah était un ignorant religieux et moi un Atatürk étranger à sa nation et abusant d’un parcours auquel le sien n’avait rien à envier puisqu’il avait, jurait-il, « accompli son service national ! » Aucun d’entre nous n’a répondu à ces attaques ad hominem où la promotion de soi se nourrit de l’invective des autres», a souligné Saïd Sadi qui dit regretter « d’avoir à consacrer du temps et de l’énergie pour remettre à l’heure les pendules politiques algériennes sur autant de fadaises. Ces pendules ont été détraquées par des percussions autrement plus dramatiques et dont les répliques n’ont, hélas, pas fini d’éprouver le peuple algérien».
Saïd Sadi considère ainsi Noureddine Boukrouh comme «une des métastases du régime qui perturbe le débat dans des périodes bien particulières de l’agenda national». Pour lui, «l’une des premières conséquences de ce mauvais feuilleton est de faire diversion sur l’essentiel au moment où le pays, exsangue, peut basculer dans le vide».
Cet échange musclé entre deux hommes politiques sur une histoire de rencontre entre eux qui remonte à plus de vingt-cinq ans renseigne sur la crise dans laquelle patauge la classe politique, qui préfère visiblement polémiquer sur le passé que de parler de l’avenir d’un pays qui sombre dans une crise des plus difficiles.
Hani Abdi
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