Kenya : le spectre de la violence politico-ethnique plane à la veille des résultats des élections
Le Kenya, ce grand pays multiethnique et multiconfessionnel d’Afrique de l’Est, est en proie aux violences à la veille de l’annonce des résultats de l’élection présidentielle. Le scrutin présidentiel a opposé le président Uhuru Kenyatta à Raila Odinga, déjà trois fois candidat malheureux. Ces élections kényanes interviennent dix ans après les violences politico-ethniques de 2007-2008 qui avaient fait plus de 1000 morts et 600 000 déplacés.
Près de 20 millions de Kényans ont été appelés aux urnes pour choisir à la fois leur président et leurs gouverneurs, députés, sénateurs et élus locaux. Les enjeux sont énormes et multiples. Selon le président de la commission électorale, Wafula Chebukati, «tous les résultats de nos agents pour la présidentielle parviendront au centre national de décompte d’ici demain (vendredi) midi».
La campagne électorale pour ces élections a déjà été ensanglantée par des attaques attribuées aux chebab, ces groupes terroristes armés originaires de Somalie, qui ont coûté la vie à quinze personnes.
L’ancien président américain, Barack Obama, dont le père est originaire du Kenya, a appelé lundi dernier tous les Kényans à œuvrer pour des élections «pacifiques et crédibles». «J’appelle les dirigeants kényans à rejeter la violence et à respecter la volonté du peuple», a écrit l’ex-président américain cité par l’AFP, à quelques heures du début du scrutin. «J’appelle tous les Kényans à s’engager pour des élections pacifiques et crédibles afin de renforcer la confiance dans votre nouvelle constitution et dans l’avenir de votre pays», a ajouté Obama.
La presse kenyane tire la sonnette d’alarme. Pour le Daily Nation, « le Kenya (est) au bord du précipice». Les Kenyans sont dans l’attente, après les élections générales mais aussi les premières contestations des résultats et les premières violences. D’après l’éditorial, «nous nous retrouvons à la croisée des chemins qui évoque le risque d’un embrasement du pays. La commission électorale doit présenter des résultats crédibles, sans quoi le Kenya serait sur la voie de l’autodestruction».
De son côté, The Standard écrit : «Dans toute compétition, il doit y avoir un gagnant et un perdant.» Ils décrivent aussi ce climat d’anxiété : «Nous ne pouvons pas nous permettre d’emprunter la route périlleuse que le pays a parcourue en 2007 (…) le maintien de la loi et de l’ordre n’est pas négociable. Les Kenyans doivent rester calmes.»
Le Pays du Burkina Faso implore : « De grâce ! Ne brûlez plus le Kenya !» et présente ce carrefour de l’Afrique de l’Est comme un véritable «volcan ethnique». Et au-delà des appels à la modération, le journal suggère la mise en place d’un système qui garantirait l’alternance des principales ethnies au pouvoir, prenant exemple de ce que tente le Nigeria : «Si c’est le prix à payer pour éviter la violence en politique et le déchirement du tissu social l’on peut dire que ce n’est pas cher payé.»
Le Kenya est une mosaïque religieuse. Avec ses 40 millions d’habitants, c’est un pays essentiellement chrétien et musulman, outre la subsistance des confessions traditionnelles. Le pays vit avec les stigmates de la crise post-électorale sanglante de 2007-2008 et des attaques récurrentes des chebab, ces groupes armés terroristes dont le fief se trouve en Somalie mais qui écument les pays voisins depuis 2008. Depuis cette date, le Kenya est la cible d’attaques périodiques des groupes terroristes chebab. Plusieurs attaques meurtrières sont commises dans le pays : une tuerie dans le centre commercial Westgate dans le centre de Nairobi avait fait 68 morts en 2013, des terroristes armés ont attaqué l’université de Garissa (Est) en 2015, tuant 147 personnes.
Ramdane Yacine
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