Comment Simone Veil a aidé les détenus politiques FLN incarcérés à Fresnes
Le quotidien français Le Monde a publié un témoignage de Mohand Rachid Zeggagh, ancien détenu à la prison de Fresnes (région parisienne), durant la Guerre de Libération nationale, qui exprime un sentiment de reconnaissance à l’égard de Simone Veil, partagé sans aucun doute par tous ses codétenus, pour le rôle exceptionnel qu’elle a rempli à leurs côtés en intervenant pour l’amélioration de leurs conditions de détention et contre l’arbitraire de l’appareil répressif colonial.
Simone Veil était, à l’époque, haut fonctionnaire au ministère français de la Justice, s’occupant des établissements pénitenciers. «Simone Veil entoura son rôle d’une discrétion à toute épreuve, par souci d’efficacité mais surtout en raison de sa modestie grandiose et permanente», écrit Mohand Rachid Zeggagh. «Elle a sauvé de nombreuses vies algériennes, en toute discrétion», affirme-t-il. Il n’hésite pas à écrire qu’«elle représente pour nous, anciens prisonniers politiques FLN, l’honneur de la France et la fraternité républicaine». Il rappelle comment les deux grèves de la faim de juin 1959 (douze jours) et de juillet (dix-huit jours) ont permis aux détenus algériens de Fresnes de découvrir qui étaient le ministre français de la justice de l’époque, Edmond Michelet, et la magistrate détachée à la direction de l’administration pénitentiaire (AP), Simone Veil : «Nous apprîmes que tous deux étaient d’anciens déportés dans les camps de concentration nazis.»
Ces deux grèves de la faim avaient pour objectifs de «mettre un terme au régime de droit commun qui nous était appliqué que nous estimions infamant» et «rejeter les motifs juridiques de notre emprisonnement, tels que ceux d’’association de malfaiteurs’, de ‘hors-la-loi’, de ‘racketteurs’ ou encore de «’banditisme’». «Dans nos têtes, nous étions avant tout des prisonniers politiques, ce qui non seulement nous singularisait des droit commun, mais aussi nous incitait à refuser toutes les mesures vexatoires, répressives ou à visée dégradante, focalisées sur nous en permanence pour tester nos capacités d’endurance et de résistance à la soumission».
Dans ce combat, Simone Veil, l’humaniste, a été de leur côté et a donné satisfaction à leurs revendications, en sa qualité de directrice de l’administration pénitentiaire au ministère français de la Justice. Elle a eu le courage d’aller «à l’encontre de la tendance à l’intransigeance et à la répression du Premier ministre de l’époque, Michel Debré».
Mohand Rachid Zeggagh rapporte le témoignage de l’avocate Nicole Dreyfus, qui lui révéla «les efforts considérables déployés par Mme Veil, au risque de mettre à mal sa carrière de haut fonctionnaire, pour transférer en France les dizaines de militantes du FLN qui croupissaient dans les geôles coloniales en Algérie sous un régime plus sévère que celui des prisons de métropole, puisque le pouvoir judiciaire y était entre les mains de l’armée».
Simone Veil, décédée le 30 juin dernier, était connue en France pour son action politique et sa lutte pour les droits des femmes, mais pas du tout pour son activité pro-Algérie durant notre Guerre de libération. «Tenace, déterminée», c’est ainsi que la qualifie Mohand Rachid Zeggagh. Il souligne son «attitude humaine de fraternité et de réconfort» à l’égard des femmes prisonnières, comme «un antidote aux malheurs et aux souffrances infligées par les partisans de la torture qui redoublaient de férocité à l’époque».
Houari Achouri
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