Maroc : retour des tensions dans le Rif après la mort d’un manifestant
La situation s’est de nouveau tendue dans la ville d’Al-Hoceïma, épicentre d’un mouvement de contestation dans la région marocaine du Rif (nord), où les appels à manifester se multiplient après la mort d’un manifestant qui a succombé, mardi, à ses blessures graves causées suite à des heurts avec la police lors d’une manifestation dans cette ville.
«La crise du Rif revient à zéro», résume, vendredi, le quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum, qui fait état de nouveaux heurts entre manifestants et forces de l’ordre. Au cœur des crispations, le décès, mardi, d’Imad Atabi, qui était plongé dans le coma depuis sa blessure à la tête le 20 juillet, lors d’affrontements dans la ville d’Al-Hoceïma.
Qualifié de «martyr» par les membres du «Hirak», nom donné localement au mouvement de contestation, et par des associations de défense des droits de l’Homme, il est le premier manifestant mort suite à des heurts avec les forces de l’ordre depuis que les protestations ont débuté en octobre dernier. Les manifestants dénoncent la «marginalisation» de leur région.
Ses funérailles se sont déroulées mercredi dans une «ambiance électrique, laissant place à un sit-in et des affrontements entre police et manifestants», a rapporté le site du magazine marocain TelQuel.
Des membres du Hirak ont appelé à une manifestation vendredi soir à Al-Hoceïma, à la mémoire du manifestant décédé, alors que de nouvelles arrestations dans les rangs du mouvement ont été enregistrées.
«Le Hirak a désormais un martyr, un leader, des détenus, des symboles et un cahier revendicatif», décrypte, vendredi, le journal Akhbar Al-Yaoum, qui évoque un «sentiment d’injustice» dans cette région.
Depuis plus de huit mois, le Maroc vit au rythme du Hirak du Rif, le mouvement de contestation populaire et sociale enclenché à la suite du décès tragique de Mohcine Fikri, marchand de poissons broyé par un camion-benne en octobre 2016, à Al-Hoceïma, en essayant de récupérer sa marchandise saisie par la police.
Mercredi, un ancien ministre marocain, l’économiste Saïd Saâdi a indiqué que le Maroc risque de s’installer dans «une instabilité sociopolitique» dont les conséquences seront «dommageables» pour l’avenir, soulignant que la persistance du mouvement Hirak en dit long sur les faiblesses structurelles dont souffre le royaume et qui provoquent régulièrement des protestations dans différentes villes et localités du pays.
Cet ancien cadre du Parti du progrès et du socialisme (PPS), dont il a démissionné en 2014, a expliqué également que «la reprise des contestations populaires qu’illustre le Hirak du Rif révèle également une crise de l’intermédiation politique traditionnelle et trahit la forte concentration des pouvoirs autour du Palais», relevant à ce sujet que «l’ancien chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, a confié dernièrement au quotidien Akhbar Al-Yaoum ne pas avoir été associé à la conception du projet Al-Hoceïma, phare de la Méditerranée (lancé en octobre 2015), dont la non-réalisation a attisé les tensions sociales dans le Rif».
R. I.