Un été algérien
Par M. Aït Amara – Un liquide saumâtre et nauséabond dégouline des sacs poubelles amoncelés à même le trottoir, les sachets en matière plastique volent au-dessus de nos têtes au gré des tourbillons qui font se soulever une poussière collante. Les gens déambulent, les uns traînant leurs guêtres, les autres forçant le pas pour on ne sait quel but, quelle destination. La chaleur est suffocante et l’actualité brûlante. Mais personne n’en a cure.
«Nous avons adopté la saleté», lança quelqu’un, un jour, professeur universitaire de son état, dégoûté comme nous tous. Nous avons épousé le je-m’en-foutisme comme on embrasse une religion. Nous en avons fait un credo, un leitmotiv. Après moi le déluge ! Le pays va à la dérive, mais qu’importe ! Les «autres» s’occuperont de le redresser ou de l’enfoncer. «C’est leur problème !». Les «autres», ce sont les hâbleurs qui ont fait de la démagogie leur métier et de la politique leur occupation.
Sellal nous chantait des berceuses pendant qu’il fardait la réalité à coup de vannes jusqu’à ce qu’il reçût la taloche sur la tête. Il se tut après avoir tué tout espoir de se reconvertir au travail. Ghoul nous promettait un milliard de touristes et il ne serait pas étonnant qu’il se trouve, lui aussi, en Tunisie où le nombre d’estivants algériens devrait frôler allègrement les trois millions cette année. Zoukh s’engageait à faire de la capitale la «perle du Maghreb» et la voici cette concrétion calcaire qui affadit avant même que son projet d’embellissement d’Alger atteigne le tiers.
La malpropreté qui nous assaille où que nous allions n’est-elle pas, en définitive, le reflet de notre état d’esprit ? Ces ordures hideuses et empestées qui envahissent la cité ne sont-ce pas la caricature dégueulasse de la poisseuse corruption, du pestilent népotisme et de l’infect égoïsme érigés en culte ?
M. A.-A.
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