Lettre ouverte au peuple algérien
Par Kamel Bourenane – L’Algérie de 2017 ne peut se permettre d’être la République du statu quo, et si nous voulons échapper à la balkanisation de notre société, il est plus impérieux que jamais de dessiner une alternative qui romprait avec les discours purement démagogiques et les agitations médiatiques pour éclipser une sombre réalité préoccupante, qui ne font, en fait, qu’enfoncer l’Algérie dans une sinistre dérive mafieuse.
L’inaction, la paupérisation et la répression ne planifient pas le développement mais préparent la ruine du pays. Nous sommes dans un processus de sélection naturelle, conjugué à un monde en perpétuel changement, et le peuple ou la nation qui ne s’adapte pas disparaît, comme l’a si bien dit Churchill. : «Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il nous ne prenne par la gorge.» Charles Darwin l’a bien expliqué : «Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements.»
Malheureusement, au moment précis où nous devons opérer un changement radical de notre façon de nous apercevoir et de voir le monde qui nous entoure, la moindre proposition ou revendication légitime, le moindre projet audacieux, le moindre appel à la responsabilité sont accueillis par une levée de boucliers indignée, une fin de non-recevoir, au mieux par l’indifférence de nos politiciens notamment. Ce refus global du changement fait très mal à l’Algérie qui s’enlise silencieusement et se ronge progressivement dans une véritable République du statu quo en déshérence.
La situation est inquiétante pour l’Algérie qui a survécu contre vents et marées mais beaucoup d’entre vous, Mesdames et Messieurs politiciens, ne semblent pas être concernés des écueils qui menacent aujourd’hui son avenir. Ce fait insinue clairement que ceux et celles qui nient le danger sont aveuglés par le vent de corruption et de passe-droit à grande échelle pour brader les richesses du pays et gangréner ses institutions. «Qui sème la pagaille, récolte la magouille» est la devise de beaucoup de nos politiciens qui parasitent l’Algérie depuis son indépendance. Il n’y a aucune raison d’Etat qui peut justifier la corruption, un vol, un assassinat, une répression, une fraude, une exécution ou une mascarade. C’est la raison d’être de l’Etat qui est remise en cause tout simplement et tout clairement. Ainsi, il est plus qu’urgent de rendre à la politique sa noblesse, à la démocratie son sens et au peuple son droit d’avoir des droits avant qu’il ne soit trop tard.
Il est vrai que nous ne sommes pas au milieu d’une grave crise apparente comme celle des années 1990. La particularité de la situation actuelle, c’est que le danger ne se présente pas sous forme de précipice mais de longue pente descendante. Au premier coup d’œil, il ne semble pas y avoir de risque. Mais une fois amorcée, la glissade sera inexorable.
Encore faut-il que nous ayons, au préalable, la lucidité et la responsabilité pour arrêter de nous bercer d’illusions afin de reconnaître l’ampleur des obstacles à surmonter et des défis à relever. Que nous prenions nos responsabilités en faisant, individuellement et collectivement, les choix qui s’imposent.
L’objectif aujourd’hui et avant tout est de sensibiliser les Algériens aux défis qui se présentent à eux. Je n’ai pas de programme à vendre ; nous importe davantage le changement d’attitudes pour une participation active, lucide et responsable de l’ensemble des Algériens pour affronter les problèmes auxquels nous sommes confrontés sans faux-fuyants. Ainsi, une seule certitude émerge : le pays a besoin d’un consensus national pour un sérieux rééquilibrage. Il est important de rappeler qu’aucune dictature, aucune fraude, aucune armée n’est plus forte qu’un peuple avisé et déterminé.
En effet, face à des menaces externes qui pleuvent de partout (Nord, Sud, Ouest, Est), de plus en plus pesantes et un danger interne encore plus menaçant, notamment par les scandales de corruption à répétition qui minent nos institutions, le dogme de l’incompétence qui règne à tous les niveaux, les manipulations tribales et les guerres des clans du pouvoir, il est inconcevable, et difficilement envisageable, que l’appel pour la reconstruction d’un consensus national n’ait pas encore trouvé un plus large écho dans la classe politique. La reconstruction du consensus national est l’unique alternative démocratique pour préserver l’unité nationale et l’intégrité territoriale. En fait, c’est le seul socle de la solution à la crise nationale.
L’Algérie de 2017 a un besoin de consensus autour de l’indépendance de la justice, consensus autour de la propriété nationale sur les ressources énergétiques, consensus autour de l’identité, consensus autour d’une politique nationale des langues, consensus autour d’une économie productive et diversifie, consensus sur le non-usage de la violence, consensus sur l’égalité entre homme et femme, consensus sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décisions politiques… des consensus à construire dans la société, pour elle et avec elle car, sans la société, aucune construction durable n’est possible…
Après le consensus révolutionnaire qui a libéré le pays, et dans l’espoir de sortir de la torpeur actuelle, il est plus qu’impératif d’envisager un consensus démocratique qui permettra d’arrêter son avilissement avancé, éviter son effondrement amorcé et assurer sa pérennité et son développement. Il s’agit d’un appel à la lucidité et à la responsabilité qui passent inéluctablement par un consensus national pour le salut de l’Algérie. Le silence est confortable pour certains mais le péril l’interdit. Un consensus national permettra aux algériens de prendre leur sort en main, car le peuple qui veut exister doit s’affirmer.
L’espoir de faire de l’Algérie un bastion de la démocratie, de liberté intellectuelle et économique afin d’ouvrir les vannes de l’énergie, de l’originalité et de la créativité est une question du nif, le nif de ne pas accepter la fatalité pour rendre possible cet espoir. L’avenir de l’Algérie n’est pas ce qui va arriver mais ce que nous entreprenons ici et maintenant.
K. B.
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