Les oligarques ont gagné une bataille mais perdu la guerre
Par Youcef Benzatat – Dans le bras de fer qui a opposé l’ex-Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, aux oligarques, assimilés au pouvoir, autour de la moralisation de la vie publique, certes, ceux-ci ont gagné la bataille en limogeant leur adversaire. Mais dans cette adversité, au-delà de la personne du Premier ministre déchu, limogé sans explications, comme un intrus, un trouble-fête, ou plus exactement comme une menace pour l’ordre établi, celui de la confusion du politique et de l’argent, c’est tout le peuple qui est incarné.
Car ce désir de moralisation de la vie publique est celui que les électeurs aux dernières législatives avaient brandi pour justifier leur boycott massif de ces élections. Témoins impuissants, ayant assisté dans la durée à la dégradation progressive d’une double courbe de dévoiement de l’Assemblée nationale depuis l’arrivée de Bouteflika au pouvoir en 1999. Celle de la fraude électorale, passant d’une fraude technique et non avouée à une fraude massive et spectaculaire, d’une part, et celle de l’achat des voix par le truchement d’une redistribution ciblée de la rente à l’achat des têtes de liste des partis politiques satellites du pouvoir au grand jour, réduisant le débat politique à un marché de surenchères pour l’accession à la députation et ses privilèges.
Leur fabuleux élan de soutien à Tebboune dans ce bras de fer résulte de toute évidence de leur identification dans son action, dont ils ont fait leur propre affaire pour venir se positionner en adversité à ses côtés face au clan des oligarques. Au-delà de la personne de Tebboune, du reste perçu comme l’incarnation à son tour du système de pouvoir responsable de cette double courbe qui a précipité leur exclusion et leur marginalisation, avec sa servitude et ses nombreuses casseroles.
Si le clan des oligarques a gagné cette bataille, il a perdu certainement la guerre. Car, comme le dit si bien le proverbe populaire : une fois la balle sortie, elle ne peut plus revenir. Le passage à l’acte de Tebboune semble irréversible. Il a, d’une part, rendu l’accomplissement du désir populaire de défaire l’argent du politique possible par ce précédent et, d’autre part, il lui a permis de parler d’une seule voix, celle de l’unité contre l’adversité des oligarques, autour d’un slogan mobilisateur : moraliser la vie publique, identifiée comme la principale catharsis pour sortir le pays du statu quo.
Les militants pour un Etat de droit, pour la démocratie, pour la réhabilitation de la dignité du peuple et de la souveraineté nationale sont avertis. La capitalisation de ces deux actes populaires historiques, celui du boycott des dernières législatives, suivi de la mobilisation autour du slogan de la moralisation de la vie publique sont la clé pour défaire les oligarques, combattre le statu quo et éloigner le péril qui menace la nation et son avenir.
Y. B.
Comment (17)