Le Monde diplomatique du mois d’août interdit de vente en Algérie
Par R. Mahmoudi – Tous les lecteurs algériens auront remarqué l’absence du mensuel français Le Monde diplomatique des kiosques et librairies depuis le début du mois. Nous apprenons de source française que le numéro d’août du mensuel français a été interdit de vente en Algérie, où le distributeur n’a pas reçu l’autorisation de diffusion, ce qui ne lui est jamais arrivé depuis des décennies. Une information que confirme la rédaction de ce journal français indépendant qui déplore cette décision qui prive les lecteurs algériens de leur journal, l’un des rares titres étrangers à être distribués en Algérie de façon discontinue depuis plus de vingt ans.
Selon nos informations, cette censure qui ne dit pas son nom serait vraisemblablement liée à un article du chercheur et essayiste français Pierre Daum traitant des événements tragiques qu’a vécus l’Algérie durant les années 1990, et intitulé «Mémoire interdite en Algérie». Dans cette enquête, l’auteur est revenu sur les lieux où ont eu lieu les grands massacres qui ont endeuillé le peuple algérien : Bentalha, Raïs, Sidi Hamed, Had Chekala… pour savoir comment vivent aujourd’hui leurs habitants et comment ces localités ont évolué du point de vue démographique et social.
Qu’y a-t-il dans cet article de si «subversif» ou de si «attentatoire» pour qu’il soit répertorié et censuré ? En se référant à un extrait de l’enquête, publiée sur le site du Monde diplomatique (l’intégralité étant réservée aux abonnés), l’auteur fait une rétrospective de ces événements, en rappelant le nombre de victimes de chaque tuerie, et en insistant sur la responsabilité du GIA dans toutes ces tragédies. Ce qui fait que, a priori, l’auteur de l’article est loin des stéréotypes colportés durant des années par les promoteurs du «qui-tue-qui ?» qui accusent l’armée et d’autres corps de sécurité d’être à l’origine des massacres. Même s’il a tendance à utiliser l’expression équivoque de «guerre civile», comme lorsqu’il écrit : «Après quelques années de violence ciblée contre les militaires, les fonctionnaires, les intellectuels ou les étrangers, la guerre civile algérienne prenait un nouveau visage, absolument terrifiant, avec des massacres de civils, créant une onde de choc en Algérie comme à l’étranger.»
Le reste du texte est une somme de monographies des villages martyrisés. Le seul passage qui peut être sujet à polémique ou, disons, qui peut être mal reçu par les autorités est celui où, dans l’exergue, Pierre Daum écrit : «Les lois d’amnistie et la volonté des autorités d’étouffer le souvenir de ces épisodes sanglants empêchent aujourd’hui tout un peuple de panser ses plaies.»
Pour rappel, Pierre Daum est déjà venu en 2016 en Algérie pour présenter au Salon international du livre son ouvrage intitulé Le Dernier Tabou, les «harkis» restés en Algérie après 1962 (édité en Algérie par Koukou éditions).
R. M.
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