Pourquoi Bouteflika rappelle le différend sur le Congrès de la Soummam ?
Par R. Mahmoudi – Dans son discours à l’occasion du double anniversaire du 20 Août 1955-20 Août 1956, lu à Tlemcen, le chef de l’Etat a mis en relief les «divergences» d’analyses et de lectures faites autour du Congrès de la Soummam, avant d’en saluer l’esprit et de considérer qu’il s’agit, en dépit de tout, d’un «événement à marquer d’une pierre blanche dans l’épopée de la glorieuse Révolution de Novembre».
Le Président a-t-il besoin, dans la conjoncture actuelle, de rappeler ces divergences souvent polémiques qui continuent à envenimer les débats sur l’histoire de la Guerre de libération nationale et qui renvoient, en somme, à des diatribes virulentes, comme celles lancées par les défunts Ahmed Ben Bella et Ali Kafi contre la plateforme de la Soummam et ses artisans ? A-t-il voulu transmettre à travers ce rappel, et aussi à travers le choix de la ville de Tlemcen pour le faire, un message subliminal destiné à retisser les liens claniques qui ont fait, à l’indépendance, la force d’un groupe, celui dit de Tlemcen face à son rival traditionnel, celui dit de Tizi Ouzou ?
Quelle que soit l’arrière-pensée sous-jacente à cette petite phrase qui s’est glissée dans le discours du Président, le fait de raviver ces sensibilités aujourd’hui ne peut mener qu’à une exacerbation des esprits dont le pays se passerait volontiers. Si l’on peut comprendre que le Congrès de la Soummam ait pu diviser les dirigeants de la Révolution, dans le feu des événements, rien ne justifie que soit reproduit le même schéma aujourd’hui.
Lancée par Ahmed Ben Bella et ses partisans, cette attaque frontale contre le Congrès de la Soummam et son principal architecte, Abane Ramdane, cristallisait dès le début un schisme bien plus profond entre deux visions politiques diamétralement opposées. La première est formulée par Abane à travers son fameux mot d’ordre adopté par les assises d’Ifri, et même officiellement par les instances qui en étaient issues : «La primauté de l’intérieur sur l’extérieur.»
Les partisans de la deuxième vision, tout en émettant des réserves sur les conclusions du Congrès, soupçonnaient les dirigeants de l’intérieur, et plus particulièrement Abane Ramdane, de vouloir organiser une «OPA» sur la Révolution, dans le dessein d’imposer des choix organiques et idéologiques qui seraient loin d’avoir le consensus de tous les responsables, et d’instaurer une direction hégémonique. C’est ainsi que Ben Bella et ses partisans, à l’image d’Ahmed Mahsas, ne se gênaient pas d’accuser Abane de nourrir des ambitions de pouvoir et d’outrepasser le caractère collégial de la direction. Certains sont même allés jusqu’à justifier l’élimination d’Abane par ses frères d’arme.
C’est donc tout naturellement que la confrontation ait été plus directe entre le responsable le plus en vue et aussi le plus audacieux du front de l’intérieur et le représentant le plus emblématique de la délégation de l’extérieur.
R. M.
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