Le torchon brûle entre le mufti de la Tunisie et Djamaâ Al-Azhar
Par Ramdane Yacine – La guerre est déclarée entre les deux institutions religieuses de référence en Tunisie et en Egypte, à savoir le mufti de la République tunisienne et Djamaâ Al-Azhar. Et pour cause, le soutien apporté récemment par le mufti de Tunisie, Athmane Batikh, au président tunisien Beji Caïd Essebsi qui a plaidé pour l’égalité dans l’héritage entre les deux sexes et pour permettre à une musulmane d’épouser un non-musulman a provoqué les foudres d’Al-Azhar.
Dans un communiqué publié de samedi dernier, l’institution Al-Azhar est revenue sur le sujet en déclarant refuser qu’on porte atteinte aux convictions des musulmans et aux principes de leur religion, et ce, de par la responsabilité religieuse qu’elle assume depuis plus de 1000 ans. Al-Azhar a ajouté : «Il n’y a pas d’exégète devant le Coran et les versets consacrés à l’héritage» et «les textes qui régissent les questions de la famille sont clairs», selon le site due la chaîne satellitaire Al-Arabiya.
Auparavant, le mufti de la République tunisienne avait déclaré que «chacun a sa position et tout le monde à droit de donner son avis» mais que «les gens de La Mecque connaissent mieux ses récifs», ajoutant qu’il «interdit toute ingérence dans une affaire et un débat intérieur en Tunisie» et qu’«on doit respecter toutes les positions et tous les avis», écrit encore le média.
D’après la même source, le mufti de Tunisie dit avoir puisé cette idée d’égalité dans le partage de l’héritage de l’«essence» même de l’islam qui est, ajoute-t-il, «une religion qui apporte la prospérité et le bonheur pour les personnes et non pas un mal ou une souffrance», ajoutant que «là où se trouve l’intérêt des êtres humains, il y a la justice divine».
Athmane Batikh a indiqué également que les intérêts changent en fonction du temps et de l’espace d’une période à une autre, d’un groupe de population vivant dans un environnement à un autre, et que le droit divin dans les questions existentielles et sociales peut changer et évoluer d’un endroit à un autre, d’une communauté à une autre et d’un environnement à un autre.
A propos du mariage d’une musulmane d’un non-musulman, le mufti tunisien explique qu’«il y a dans cela un intérêt pour les humains», expliquant que le monde entier a changé et il y a des principes et des lois locales et internationales qui régissent la relation entre le mari et la femme et qui «empêchent le mari de lui imposer quoi que ce soit, de l’agresser ou de la soumettre» et que ces lois «protègent la liberté de culte de tout un chacun».
Pour rappel, le vice-grand imam de la mosquée Al-Azhar, cheikh Abbas Chouman a réagi violemment, dans une déclaration aux médias, le 14 août dernier, contre le discours du président Béji Caïd Essebsi, prononcé la veille à l’occasion du 60e anniversaire de la Journée nationale de la femme, où il appelait à consacrer l’égalité dans l’héritage entre l’homme et la femme et à autoriser le mariage d’une Tunisienne musulmane avec un non-musulman.
Par ailleurs, le syndicat des imams tunisiens s’est opposé, lui aussi, aux propositions de M. Caïd Essebsi. Fadhel Achour, secrétaire-général de ce syndicat, a exprimé, dans une déclaration à Shems FM, une radio tunisienne, son opposition au contenu du dernier communiqué du mufti de la République, Othman Batikh, appuyant les propositions présidentielles, et demandé à ce dernier de démissionner.
R. Y.
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